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d’une robe aux plis serrés, rappelle la forme arrondie de la poutre de bois qui constituait les anciens xoana. On n’est pas trop surpris de retrouver au musée de l’Acropole une réplique de la statue du Louvre. A part de légères différences dans le costume, c’est la même attitude rigide, le même mouvement des plis du manteau qui traversent obliquement la poitrine, le même modelé rond et gras. Si le bas de la statue était intact, on y observerait à coup sûr le même évasement du bord de la robe, qui, dans le marbre du Louvre comme dans les terres cuites rhodiennes, s’étale sur la base et accuse encore le jet rigide et régulier des plis supérieurs. Le marbre de l’Acropole est décapité, comme celui du Louvre ; mais ce qui est nouveau pour nous, c’est un buste appartenant à une statue du même type et qui nous montre comment les sculpteurs de cette école traitaient le visage humain[1]. De longs cheveux étalés en nappe et serrés par une bandelette, des yeux saillans, à fleur de tête, une bouche dessinée avec sécheresse, enfin des plans très accusés, qui rappellent encore la technique du travail du bois, tels sont les traits caractéristiques de ce buste étrange qui attire et captive l’attention. Chose curieuse : il rappelle à certains égards les types traités par notre vieil art français de la fin du xiie siècle siècle, tant il est vrai qu’à l’origine, dans le rendu de la figure humaine, les artistes de tous les pays se heurtent aux mêmes difficultés et suppléent par les mêmes conventions à l’inexpérience de leur ciseau.

Il serait facile de relever d’autres indices attestant la présence, à Athènes, d’artistes de l’Ionie. Une statue d’homme drapé, d’un modelé doux et atténué, des figures assises, du même type que celles des Branchides, montrent que l’influence de la Grèce asiatique avait pénétré jusqu’en Attique. On sait, d’ailleurs, qu’un des premiers maîtres athéniens, Endoios, avait travaillé à Éphèse, et s’était sans doute formé à l’école des Ioniens. Mais si ces derniers ne sont pas restés étrangers à l’éducation des sculpteurs attiques, d’autres ont contribué plus directement à les former. C’est des îles grecques de l’Archipel qu’est venue l’impulsion la plus énergique et la plus efficace.

Dès la fin du viie siècle siècle, le travail du marbre était en honneur dans les écoles de Chio et de Naxos. Nous connaissons aujourd’hui, grâce aux fouilles de M. Homolle à Délos, les premiers essais des maîtres insulaires, et le musée central d’Athènes doit à notre École française la possession d’une série unique au monde pour l’étude des origines de la statuaire hellénique. Il y a là des œuvres d’une gaucherie naïve, les plus anciennes peut-être qui soient sorties d’un ciseau grec, mais où l’on sent percer les qualités de finesse,

  1. Musées d’Athènes, p. IX.