Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/869

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle s’est produite dans des conditions qui en rendaient particulièrement difficiles l’éclosion et l’épanouissement. Sans doute elle avait pour elle cette force idéale, cette force interne qui crée et dirige, et qui finit toujours, en dépit des obstacles, par susciter et organiser les moyens de sa propre réalisation. Mais elle avait contre elle, en grande partie du moins, le milieu même, où ses germes étaient épars, milieu depuis longtemps préexistant, aux manières d’être anciennes et résistantes, partant peu favorables aux cultures nouvelles. D’autres causes augmentaient encore la difficulté de la formation. S’il fallait modifier les mœurs des facultés, il fallait changer aussi celles de l’administration. S’il fallait ici réagir contre des habitudes tellement invétérées qu’elles avaient fini par faire considérer comme la (orme naturelle et normale de l’enseignement supérieur ce qui n’en est qu’une déviation, il fallait là rompre avec des pratiques tellement étroites que M. Guizot avait pu dire dans la commission de 1870 : « L’enseignement supérieur a toujours été asservi tantôt à l’Église, tantôt à l’État. « Il fallait en un mot habituer l’administration et le corps enseignant à se considérer non comme deux forces antagonistes, mais comme les coordonnées d’un même dessein.

Toutes ces difficultés ont été aplanies ou vaincues. Il faut en rapporter le mérite et l’honneur à quiconque a pris part à cette œuvre, au corps enseignant tout entier, même à ceux qui d’abord se défiaient et résistaient, et forçaient ainsi les autres à avoir deux fois raison ; aux ministres de l’instruction publique, dont pas un n’a considéré comme la moindre cette partie de sa tâche ; aux pouvoirs publics qui ont eu confiance et se sont montrés généreux ; au Conseil supérieur de l’instruction publique, où pour la première fois tous les ordres d’enseignement avaient des représentais élus ; aux inspecteurs généraux de l’enseignement supérieur, qui furent, dans ces années, les missionnaires de l’esprit nouveau ; à la Société de l’enseignement supérieur, qui depuis dix ans est à l’avant-garde de tous les progrès ; à son secrétaire-général, M. Lavisse, qui aura été le Fichte de nos facultés régénérées. Mais dans ce concours, une place à part est due à ceux qui eurent alors la charge de diriger l’enseignement supérieur, à M. du Mesnil, d’abord, pour qui c’est une récompense méritée d’assister à la réalisation d’idées dont il fut des premiers à voir l’importance scientifique et la portée sociale ; puis à son successeur Albert Dumont, enlevé prématurément, en plein travail, la moisson commençant. Ce fut une bonne fortune pour les facultés d’avoir, à ce moment précis, Albert Dumont à leur tête. À tout autre moment, en toute autre fonction, ses rares qualités eussent rendu des services de premier