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impersonnelle ; ce n’est pas la science, c’est l’homme appliquant les lois économiques qui pèche contre la morale ou qui la respecte. Celui qui confond l’enseignement de la science avec les agissemens des hommes fait une confusion qui le met hors la discussion. Il est probable que l’école politico-sociale s’est mal exprimée, elle voulait peut-être simplement dire : l’homme étant susceptible, dans ses actions économiques, de transgresser les préceptes de la morale, il faut que l’État établisse des freins pour l’en empêcher. Si elle s’était exprimée ainsi, tout le monde lui aurait donné raison en principe ; seulement, l’application aurait montré que, sans s’en rendre compte, elle demande au gouvernement beaucoup plus de prescriptions et de restrictions que des hommes libéraux n’en peuvent admettre. C’est que, souvent, le bien et le mal sont tellement mêlés, que le frein les arrêterait tous les deux à la fois.

Du moins, eu égard à ses tendances prétendues pratiques et à son esprit autoritaire, c’était la seule pensée qu’on pouvait attribuer à cette société ; mais l’un ou l’autre des publicistes qui la composent pourrait ne pas se déclarer satisfait de notre commentaire. Nous allons donc reproduire quelques passages d’un exposé authentique de leurs doctrines, pris dans un ouvrage très estimé et qui, sous plusieurs rapports, a un vrai mérite, — nous ne le nommons pas, pour ne pas être obligé d’atténuer l’expression de notre jugement ; — eh bien, ce livre, pour nous faire connaître « l’essence et la nature de l’économie politique, » développe des idées que nous allons résumer, en conservant autant que possible les expressions mêmes de l’auteur. L’économie politique, dit-il, est sans doute un « phénomène d’ordre matériel » (eine Erscheinung materieller Art). Elle représente les hommes occupés à produire des biens matériels, à les échanger, à les employer ou consommer ; les hommes peinent et luttent pour les obtenir, l’acquisition de ces biens est le a but et le contenu (Zweck und Inhalt) de l’activité privée comme de l’activité publique. » Mais l’économie politique n’a pas seulement ce caractère, elle a aussi « une signification élevée, immatérielle, éthique et civilisatrice » (eine hohe immaterielle, ethische und culturelle Bedeutung). Cette « signification » est largement développée par l’auteur, et avec un goût littéraire digne d’éloge. Or, dans une définition, il ne s’agit pas de faire de belles phrases, mais de peindre la réalité ; l’auteur a préféré nous faire connaître son idéal.

On peut nous arrêter ici et dire : vous croyez peut-être que l’auteur parle de la science économique, le mot dont il se sert[1]

  1. Volkswirthschaft. On n’est pas d’accord sur la signification de ce mot.