Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de réglementation. Il faut l’ingénuité populaire pour regarder un parlement comme une machine d’autant plus utile, qu’elle produit davantage. L’utilité du travail législatif dépend uniquement de la capacité de la législature. Il en est des parlemens comme des souverains ; les meilleurs ne sont pas toujours ceux qui édictent le plus de lois, et comme les peuples souhaiteraient parfois un roi d’Yvetot, il est des momens où le pays s’accommoderait d’une chambre fainéante. On le voit bien à sa satisfaction, lorsque le parlement entre en vacances. Ce que l’histoire reprochera aux dernières législatures, c’est bien moins ce qu’elles n’auront pas fait que ce qu’elles auront fait.

A l’opposition, le reproche le plus sérieux qu’elle adressera, c’est son attitude dans les questions coloniales. On eût aimé voir les hommes qui se glorifient de s’inspirer des grandes traditions du passé se souvenir des Richelieu, des Colbert, des Choiseul, pour aider la république à reconstituer le domaine colonial fondé et perdu par l’ancienne France. Ils se sont honorés, devant le pays, les Freppel et les de Mun, ceux qui, pour l’Afrique ou l’Asie, ont failli à la tactique de l’esprit de parti. Mais, pour être équitable, il faut se rappeler comment ont été engagées, et comment conduites, nos entreprises coloniales, à l’aide de quels expédiens et de quels subterfuges. Il importe de ne pas oublier les fautes politiques et les fautes militaires, et les vains conseils de nos diplomates ou de nos marins, de M. Bourée à l’amiral Courbet. Il faut se souvenir des inquiétudes suscitées par le continent et des jalouses appréhensions de nos voisins des Alpes ou de la Manche. Il est bon, aussi, de se rappeler que, si l’opposition s’est fait du Tonkin et de la politique coloniale une arme de guerre, l’exemple lui en a été donné par plusieurs des ministres, anciens ou actuels, de la république. N’est-ce pas les feuilles de gauche qui ont inventé le sobriquet de tonkinois ? Entre nos entreprises d’outre-mer, il en est au moins une qui a eu la faveur de la droite, c’est Madagascar ; et après tout, au lieu d’établir notre domination directe sur le fleuve Rouge, peut-être eût-il mieux valu porter notre principal effort sur la grande île africaine. En tout cas, ce n’est pas aux conservateurs qu’incombe la grande défaite de notre politique depuis Sedan, la ruine de l’ascendant de la France en Égypte. Jamais, même aux plus mauvais jours de Louis XV, gouvernement français n’avait eu pareille défaillance. L’œuvre d’un siècle a été perdue, en quelques heures par la pusillanimité d’une chambre d’où la droite avait été presque entièrement balayée. C’est une majorité de gauche, soufflée par M. Clemenceau, qui a décidé que la France devait être évincée de l’Égypte. Gambetta lui avait parlé en politique ; elle ne l’a pas