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de la commission des archives diplomatiques destinées à permettre de pénétrer dans la correspondance de nos anciens ambassadeurs. Ce n’est pas que pour certains la lecture des lettres originales dans le papier du temps n’ait une saveur, un charme tout particulier, d’où une vive jouissance ; mais non licet omnibus, et tous sans exception ont applaudi à la résolution prise et au plan adopté par les hommes intelligens qui composent la commission.

Comme nos voisins d’outre-Manche, ceux de par-delà les monts nous avaient précédés dans cette voie. Les Dispacci et les Relazioni de leurs ambassadeurs, source féconde de l’histoire, ont été ici même[1] louées comme elles le méritent ; en les lisant chacun appréciera quelle netteté, quelle précision, quelle pénétration de l’avenir distinguent la diplomatie vénitienne, combien est élégant et correct le langage des ambassadeurs de Florence. Ces documens jettent une vive clarté sur l’existence des nations au XVIe siècle. Ceux qui les ont écrits se sont montrés historiens, hommes d’affaires ; ils ont apporté dans leurs jugemens un sens droit, une pénétration indispensable au maniement d’intérêts d’un ordre aussi élevé ; ils ont été animés de ce grand amour du pays, condition première en pareille situation, peut-être un peu affaibli de nos jours. Ces mérites ne sont pas moindres dans la correspondance mise à jour par notre publication : les Castillon, les Odet de Selve, les Marilhac, les Pelissier, les François de Noailles ne le cèdent en rien aux diplomates leurs adversaires ; ils ont contribué à l’agrandissement de la France, qui leur doit un souvenir. En étudiant, aux sources, les négociations suivies entre François Ier et Henri VIII, cette figure originale de Castillon nous était apparue, et nous lui avions souhaité un éditeur qui la fît sortir de l’ombre. Après une longue éclipse, elle a cette bonne fortune d’être évoquée et de fixer l’attention. Sa correspondance, publiée ajuste titre, est intéressante à connaître. Il ne faut pas y chercher l’art que contiennent les dépêches de Machiavel au conseil de Florence, les qualités des relations des orateurs de Venise à la sérénissime république ou des dépêches de nos grands ambassadeurs ; mais dans un langage propre à son auteur, elle met en lumière la figure d’Henri VIII et fait mieux comprendre certains actes de ce roi si extraordinaire ; on y trouve des idées qui paraissent être de nos jours, mais dont notre siècle ne peut pas réclamer la priorité. Certains détails pourront paraître peu importans, mais rien n’est à négliger dans l’étude du XVIe siècle, époque des grands contrastes et des figures en relief ; étoile de soie et d’or tachée de sang, dit Voltaire.

  1. Voir, dans la Revue du 1er septembre 1862, l’article de M. Geffroy.