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mofettes, pour appliquer aux deux gaz résiduels le langage du temps, fut un moment contestée par Priestley, qui ne tarda pas, très loyalement d’ailleurs, à reconnaître son erreur.

Pour faire la contre-épreuve et compléter la démonstration, il suffit de reconstituer l’air primitif en lui rendant l’oxygène perdu. A cet effet, Lavoisier ajoute, soit à la seconde mofette provenant de la respiration animale, soit à la première provenant de l’oxydation des métaux, l’oxygène même obtenu par la calcination de l’oxyde de mercure qui a servi à préparer l’une d’elles : il reproduit ainsi l’air naturel, avec son aptitude à entretenir tant la combustion que la vie animale.

La démonstration des relations véritables entre l’air, l’oxygène et l’acide carbonique, dans la respiration, était ainsi claire et complète. Il restait à comprendre la véritable action de l’oxygène sur l’être vivant et l’origine même de l’acide carbonique.

Deux explications pouvaient en être données : ou bien l’oxygène est changé effectivement en acide carbonique dans le poumon, par une véritable combustion locale ; ou bien il s’y combine au sang, lequel restitue en même temps à l’air un volume presque égal d’acide carbonique. Lavoisier, sans se prononcer tout d’abord, incline vers la première hypothèse, qui assimilerait la respiration elle-même à une combustion directe. Il cherche à établir que la coloration rouge du sang artériel est due à l’absorption de l’oxygène, et il l’assimile à la couleur de certains oxydes métalliques, tels que ceux de mercure et de plomb : ce dernier rapprochement est fondé sur des apparences, plutôt que sur un principe exact.

Lavoisier ne tarda pas à pousser plus loin ses déductions, en comparant la chaleur animale à la chaleur des combustions vives : l’une et l’autre sont dues en effet à la fixation de l’oxygène, ou plus exactement de la matière du feu combinée dans l’oxygène. Pour Lavoisier, l’air fournit l’oxygène et la chaleur ; tandis que le sang fournit le combustible, que les alimens restituent incessamment, en même temps que, de son côté, l’air se renouvelle sans cesse. Par suite, la chaleur est entretenue dans le corps humain, suivant le même procédé que dans nos foyers. C’était là une vue toute nouvelle, une découverte fondamentale.

Mais Lavoisier ne s’arrêta pas à ces premiers aperçus généraux. Il reprit la question par des mesures précises et l’approfondit avec Laplace, en 1783. Les deux savans osèrent assimiler un être vivant à un composé chimique, en étudier l’oxydation par la même méthode et le soumettre à des mesures semblables, au point de vue de l’évaluation des gaz et de la calorimétrie. C’était retourner en quelque sorte la vieille conception des alchimistes, qui, eux aussi, assimilaient la vie et les phénomènes chimiques,