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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/605

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réussir à emporter la conviction de laisser à la patrie des garanties nouvelles et durables de sa paix intérieure, et aux nécessiteux une garantie plus large de l’assistance à laquelle ils ont droit… Trouver les voies et moyens de cette assistance est une tâche difficile, mais la plus élevée aussi pour toute société qui s’appuie sur les fondemens moraux de la vie chrétienne. Un accord plus intime entre les forces de cette vie et leur union sous la protection et l’appui de l’État rendront possible, nous l’espérons, l’exécution de toutes les mesures pour lesquelles la puissance de l’État ne suffirait pas à elle seule. » Avant ce message, le prince de Bismarck avait développé les mêmes principes, dans son discours du 2 avril, lors de la présentation du premier projet de loi sur l’assurance contre les accidens, avec subvention de l’empire. Plus récemment, à la séance du 29 mars 1889, au Reichstag, le chancelier a réclamé pour lui-même la paternité et la première initiative de toute la politique sociale, qu’il a représentée comme une nécessité de gouvernement pour enrayer les progrès de la démocratie socialiste. « Il m’est permis de revendiquer la première initiative de toute la politique sociale, s’est-il écrié aux applaudissemens de la majorité du parlement d’alors, y compris le dernier terme, qui nous occupe encore maintenant. J’ai réussi à éveiller, pour cette œuvre, la sollicitude du défunt empereur Guillaume. »

Ainsi le vrai promoteur du socialisme d’État en Allemagne est le prince de Bismarck, qui a également mis aux mains de la nation unifiée l’arme dangereuse du suffrage universel pour la réalisation de ses vues politiques. Aujourd’hui, le gouvernement de l’empire donnerait déjà beaucoup pour être débarrassé de cet appareil niveleur de la démocratie. Les rentes sur l’État, promises comme pension de retraite à tout le monde des prolétaires électeurs, pour étendre l’action de l’assistance publique, ménagent à l’Allemagne bien d’autres difficultés. C’est, en réalité, comme une extension de l’assistance publique que le gouvernement allemand nous a présenté les différentes mesures relatives aux assurances ouvrières. Voici longtemps que l’assistance, l’obligation pour l’État de venir en aide à tous ses sujets dans le besoin, figure sur les tables du droit public en Prusse. Le titre XIX de l’Allgemeine Landrecht proclame le droit à l’assistance, en obligeant l’État de garantir la nourriture et l’entretien de tous les sujets qui ne peuvent se suffire ou qui manquent des ressources nécessaires. Pourtant, avant l’établissement de l’unité nationale, chaque État allemand avait, sur ce point, sa législation particulière, avec des différences considérables d’un pays à l’autre. Aucun ne se souciait d’entretenir les pauvres du pays voisin demeurant sur son territoire. Loin de favoriser les déplacemens, les conventions négociées autrefois entre les