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mune. Alors les mêmes administrations peuvent être chargées aussi de la remise et de l’échange des cartes-quittances périmées au nom des assurés.

Plus on considère de près les détails d’application, plus se manifeste la complication de l’œuvre. Les difficultés se multiplient dans le cas où les ouvriers assurés travaillent à façon, comme dans les exploitations forestières ou pour la culture des vignes à forfait, sans temps bien déterminé pour la durée du travail. Ailleurs encore, dans les contrées agricoles ou pour les domestiques, où le travail se rétribue en nature, il faudra également évaluer le montant des salaires d’après le prix variable des objets, pour la fixation des primes d’assurance. Que des contestations fréquentes surgiront à propos de ces évaluations, cela ne laisse point de doute. Aux autorités communales incombe la tâche souvent difficile de régler les différends. Ils ne manqueront pas d’occupation, nos maires de villages, pas moins que ceux des centres industriels ! Beaucoup d’entre eux abandonneront leurs fonctions honorifiques pour faire place à des maires de carrière, rétribués à la charge des communes et dont le corps des sous-officiers de l’armée assure le recrutement. Quelle aubaine pour l’administration militaire, qui trouve ainsi de nouvelles positions pour ses sous-officiers mis à la retraite ou en disponibilité !

A propos des fournitures en nature, l’article 13 de la loi stipule que, dans les localités où les ouvriers agricoles et forestiers sont payés sous cette forme, ils recevront également leur rente en nature, au lieu d’argent, jusqu’à concurrence des deux tiers. Dans ce cas, « la valeur des fournitures en nature se calcule d’après la moyenne des prix et ceux-ci sont fixés par l’autorité administrative supérieure. » Suivant le même article : « Les personnes se livrant à l’ivrognerie habituelle et contre lesquelles les autorités compétentes ont pris la mesure d’interdire aux débits publics de leur délivrer des boissons spiritueuses, toucheront leur rente entière en nature dans la commune où cette mesure est en vigueur. » Là, le droit à la rente du sujet pensionné passe à la commune pour le montant représenté par les fournitures en nature, quitte à la commune de faire ces fournitures à l’ayant-droit. Sous ce régime paternel de l’État-Providence, arrivé au point d’empêcher les ivrognes pensionnés de boire leurs rentes au cabaret, les bonnes mœurs doivent être assurées d’un éclatant renouveau.

Pour l’organisation de l’institution, la loi ordonne la création d’offices d’assurance régionaux embrassant, soit le ressort d’une province dans les grands pays comme la Prusse et la Bavière, soit un pays entier comme l’Alsace-Lorraine ou le duché de Baden, soit plusieurs pays réunis pour les petits états voisins. Sont assurées