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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/636

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soit établie dès maintenant sur les mesures à prendre. Au contraire, la plupart des états participant à la conférence ont formulé des réserves sur leur attitude relativement aux questions à examiner. Dans son ensemble, le programme soumis au conseil d’état embrasse les propositions déjà votées au Reichstag sur l’initiative des fractions du centre et des conservateurs, mais qui n’ont pas encore obtenu la sanction du Bundesrath. C’est la moindre partie du minimum des revendications du parti socialiste sur lesquelles le Reichstag a déjà délibéré. M. Liebknecht n’en déclare pas moins que les démocrates socialistes acceptent le programme impérial pour les concessions en perspective, quittes à exiger davantage quand ces concessions seront faites. Mieux vaut avancer lentement que de compromettre l’avenir par des écarts intempestifs. Quiconque suit de près le mouvement socialiste ne peut caresser l’espoir de le voir enrayé de sitôt, tout en applaudissant aux efforts du jeune empereur pour s’éclairer sur les moyens de porter remède au mal social. Aussi bien n’attendons-nous pas, dès maintenant, des résultats pratiques importans de la conférence réunie à Berlin. Mais il était bon de poser la question des mesures protectrices en faveur des ouvriers à régler par voie de convention internationale entre les gouvernemens intéressés, alors que la démocratie socialiste invoque de son côté des mesures internationales pour arriver à ses fins. Par malheur, la loi sur l’assurance contre l’invalidité, qui donne droit à des millions d’hommes à une rente servie par l’Etat, ajoute à l’agitation révolutionnaire un nouveau ferment pour développer le mécontentement des masses. Si M. Liebknecht a pu dire, lors du vote des premières lois ouvrières : « Le chancelier de l’empire croit nous tenir par ces mesures, quand c’est au contraire nous qui le menons, » il considérera également les rescrits impériaux comme des moyens de propagande pour sa cause. Prétention d’autant plus fondée que les promoteurs du parti ne manquent pas d’exploiter contre les autorités au pouvoir les menaces de répression dont est accompagnée toute concession nouvelle. Rappelons, en terminant, que, le matin des élections pour le Reichstag, l’empereur Guillaume a fait battre la générale pour mettre sur pied toute la garnison de Berlin, qu’il a conduite ensuite au champ de manœuvre du Tempelhof, puis ces derniers jours encore à la clôture de la diète de Brandebourg, après avoir manifesté le désir de soutenir les revendications des ouvriers paisibles, il a déclaré être prêt à écraser quiconque serait contre lui : Wer nicht mil mir ist, zerschmellere ich !

Charles Grad.