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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/739

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représentais et gérans, conseillers municipaux ou généraux, maires, sous-préfets ou préfets, lui sont imposés d’en haut, par une main étrangère, et, bon gré mal gré, au lieu de les choisir, elle les subit.


VI

Au commencement, on a tâché de mettre en pratique le principe constitutionnel que Sieyès avait posé : à l’avenir, selon la formule admise, le pouvoir devait venir d’en haut, et la confiance d’en bas. A cet effet, en l’an IX les citoyens assemblés ont désigné un dixième d’entre eux, environ 500,000 notables communaux, et ceux-ci, assemblés de même, ont aussi désigné un dixième d’entre eux, environ 50,000 notables départementaux ; sur la première liste, le gouvernement a choisi les conseillers municipaux de chaque commune, et, sur la seconde liste, les conseillers généraux de chaque département. — Mais la machine est bien lourde, difficile à mettre en branle, encore plus difficile à manier, et de rendement trop incertain. Selon le Premier Consul, il n’y a là qu’un système absurde, « un enfantillage, de l’idéologie ; ce n’est pas ainsi qu’on organise une grande nation[1]. » Au fond[2], « il ne veut pas de notables reconnus par la nation… Dans son système, c’est à lui à indiquer les notables à la nation et à les marquer du sceau du chef de l’État ; ce n’est pas à la nation à les présenter au chef de l’État en les marquant du sceau national. » En conséquence, au bout d’un an, par l’établissement des collèges électoraux, il devient, en fait, le grand électeur de tous les notables ; avec son adresse ordinaire, il a transformé une institution libérale en un instrument de règne. Provisoirement, il conserve la liste des notables communaux, « parce qu’elle est l’ouvrage du peuple, le résultat d’un grand mouvement qui ne doit pas être inutile, et parce que d’ailleurs elle contient un grand nombre de noms,.. une marge suffisante pour faire de bons choix[3]. » Dans chaque canton, il assemble ces notables et les invite à lui présenter leurs hommes de confiance, les candidats entre lesquels il choisira les conseillers municipaux. Mais, dans

  1. Thibaudeau, p. 72 (paroles du Premier consul au conseil d’État, 14 pluviôse an X).
  2. Rœderer, III, 439 (Note du 28 pluviôse an VIII), 20, 443. « Le sénatus-consulte prétendu organique du 4 août 1802 a fait la fin de la notabilité en instituant les collèges électoraux… Le Premier consul fut reconnu réellement grand-électeur de la notabilité. »
  3. Thibaudeau, 72, 289 (paroles du Premier consul au conseil d’État, 16 thermidor an X).