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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/836

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la seconde, elle avait l’habitude de parler ses vers et sa prose à haute voix, en se promenant à pas lents dans sa chambre, avant de les coucher par écrit, prétendant que, lorsqu’elle ne les parlait pas, ses conceptions en étaient refroidies et arrêtées. Elle redoutait tellement d’être gênée dans ses mouvemens de verve et dans les courses au clocher de son imagination, qu’elle avait pour principe de ne jamais revoir ce qu’elle avait écrit, parce que cette révision retardait, disait-elle, l’essor de ses conceptions nouvelles ; de là la détestable ponctuation de ses écrits. À ces divers signes, vous reconnaîtrez une personne dont les inspirations étaient de tête plus que de nature et dont les pensées, obtenues par le branle cérébral qu’elle devait à ces habitudes de gymnastique et de pantomime, ressemblaient à cette chaleur qui s’engendre par le frottement. L’éloquence, la force, l’énergie et aussi la subtilité sont compatibles avec ces méthodes mouvementées de composition, mais rarement la simplicité, la naïveté, la vraie genialty, et presque jamais la grâce ; et, en effet, cette dernière qualité est entièrement absente des écrits de la duchesse.

Elle nous a vanté avec enthousiasme la beauté de tous ses frères et ses*sœurs ; mais elle-même était-elle jolie ? Il existe d’elle deux portraits : l’un peint à Anvers par Abraham van Diepenbach, élève de Rubens[1], qui est aujourd’hui, paraît-il, à Wentworth-Castle, dans le Yorkshire, l’autre qui se trouve à Welbeck, et qui est évidemment celui dont son moderne éditeur a placé le fac-similé en tête de la vie du duc. L’examen de ce portrait laisse la question assez indécise ; car, peint postérieurement au retour, il représente une femme placée déjà entre deux âges et qui, de la jeunesse, n’a plus que le crépuscule. Mais vraiment elle est mieux que belle, car elle est sympathique au possible, tout le visage parle expressivement de véracité, de sincérité et de fidélité. Tout dans ces traits et cette physionomie inspire la confiance, même les défauts. De bonnes joues, un peu replètes, faites à souhait pour les baisers légitimes, et pas d’autres ; de beaux gros yeux, tout larges ouverts, avec quelque chose d’un peu égaré, indiquent une personne fréquemment absente d’elle-même. Dans l’ensemble du visage, un caractère rêveur très marqué, et, sur les lèvres, une moue d’innocente bouderie. Il pouvait être, du reste, assez difficile à un peintre de représenter la duchesse au mieux de ses avantages pour une raison qu’elle nous a dite et qui apparaît clairement dans le portrait. Sa seule faiblesse féminine était la toilette, mais elle la comprenait d’une façon très particulière qui l’exposait à de

  1. Et point probablement dans la maison même de Rubens que le duc habita pendant tout son séjour à Anvers.