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LA
CREMATION

Depuis une vingtaine d’années, il s’est produit, en Europe, un mouvement d’opinion des plus accentués en faveur de l’ancienne coutume qui consistait à brûler les morts. La crémation, pour lui donner le nom sous lequel elle tend à s’introduire parmi nous, a ses prosélytes ardens, comme elle a ses adversaires résolus. Elle a été discutée dans toutes les sociétés d’hygiène et dans tous les congrès scientifiques ; la presse s’en est occupée ; l’opinion s’en est émue ; les pouvoirs publics sont intervenus, et enfin l’Église s’est prononcée à son égard. C’est donc une question qui a son importance et dont on ne peut pas se désintéresser aujourd’hui. Elle est encore assez mal connue et, pour la juger sainement, il faut d’abord dissiper l’atmosphère de préjugés et d’erreurs dont elle est enveloppée. C’est ce que je vais essayer de faire.


I

La coutume de brûler les morts n’est pas nouvelle, puisqu’elle remonte aux temps héroïques. C’est Hercule qui a commencé. Dans un de ses aventureux voyages, il perdit l’ami qui l’accompagnait, son cousin Argée, et le fit brûler pour rapporter ses cendres à son père. Il fut lui-même, comme on le sait, incinéré par Philoctète sur le sommet du mont OEta. Les Grecs