le citoyen Cambry lui présenta un projet d’arrêté relatif aux sépultures et dans lequel l’incinération tenait la première place. L’exposé des motifs est un modèle du style emphatique et théâtral de l’époque. La description du Champ du repos est un chef-d’œuvre du genre. On devait y accéder par quatre grandes portes dédiées à l’Enfance, à la Jeunesse, à la Virilité, à la Vieillesse, et conduisant par quatre routes sinueuses au monument central, image du dernier terme de la vie, représentée par une pyramide de 28 mètres de base, couronnée par un trépied et renfermant dans son intérieur d’ingénieux fourneaux disposés par la chimie moderne.
L’administration centrale approuva ce projet, mais il n’y lut pas donné suite. Il présentait, en effet, dans l’application, des difficultés qu’on n’avait pas prévues. La science n’était pas aussi avancée que le croyait le citoyen Cambry. On s’adressa à l’Institut, et ses recherches commencèrent ; mais elles ne fournirent pas la solution demandée, et le 1er floréal an vin, le comte Frochot, préfet de la Seine, mis en demeure par la citoyenne Dupré-Geneste de lui accorder l’autorisation de brûler le corps de son fils mort la veille, ne crut pas pouvoir la refuser : « Les soins à donner aux dépouilles humaines, dit-il dans son arrêté, sont un acte religieux dont la puissance publique ne pourrait prescrire le mode, sans violer le principe de la liberté des opinions. » L’incinération se fit suivant l’ancien procédé et les cendres furent recueillies tant bien que mal. Cet acte d’indépendance ne trouva pas d’imitateurs. On était du reste au lendemain du 18 brumaire ; un nouvel ordre de choses venait de surgir ; le consulat ne tarda pas à rétablir les pratiques du culte catholique, et personne ne songea plus à la crémation.
Il en fut de nouveau question au commencement du second empire. L’opposition reprit les propositions de l’an VIII et commença la campagne dans la presse médicale. Ce n’était plus, il est vrai, par amour de l’antiquité, c’était au nom de l’hygiène qu’on demandait le retour à ces pratiques disparues. Cette tentative n’eut aucun succès, et l’opinion publique y demeura complètement indifférente. C’est alors que le mouvement passa de France en Italie. En 1857, le professeur Coletti ouvrit le feu par un mémoire qu’il lut à l’académie des sciences et lettres de Padoue et qui n’eut aucun retentissement. Dix années s’écoulèrent ; les événemens politiques qui changèrent la face de la péninsule donnèrent essor à une foule d’aspirations nouvelles au milieu desquelles on vit reparaître la crémation. Elle lut cette fois accueillie avec la plus grande faveur par le monde scientifique. Florence, Milan, Naples, Venise