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des cimetières parisiens, en vue d’une incinération rétrospective ; elle a exempté de la taxe de transport ceux qui seront apportés de l’extérieur aux monumens crématoires de Paris.

Il est impossible, on le voit, de se montrer plus libéral et, si la crémation ne se généralise pas, les promoteurs ne pourront pas en accuser les pouvoirs publics. Cette coutume est maintenant sortie de sa période d’élaboration. Elle a une existence légale, et tout le monde peut en user. C’est là qu’il fallait en venir, car, ainsi que je l’ai dit dès le jour où la question s’est agitée en France, il faut des raisons très graves pour entraver la liberté des gens ; et, dans l’espèce, je n’en vois aucune. Maintenant que toute satisfaction a été donnée aux partisans de l’incinération, c’est le moment de la juger et de rechercher s’il y a lieu de lui donner des encouragemens. Je vais essayer de le faire, en me plaçant au point de vue de l’hygiène et de l’intérêt social. Quant à la question religieuse, les controverses qu’elle a jadis soulevées n’ont plus leur raison d’être ; elle a été tranchée d’une manière définitive par l’autorité devant laquelle tous les catholiques s’inclinent.

Au mois d’octobre dernier, la congrégation du saint-office, régulièrement consultée par le clergé des différens pays qui reconnaissent la juridiction spirituelle du saint-siège, sur la question de savoir s’il était permis aux fidèles de s’affilier aux sociétés de crémation et de consentir à l’incinération de leurs corps ou de ceux de leurs proches, a répondu par la négative à ces deux questions. Le saint-père a approuvé et confirmé ces résolutions, en ordonnant de les transmettre aux évêques, pour que ceux-ci puissent diriger la conduite de leur clergé et instruire les fidèles. Les prêtres catholiques ne peuvent donc plus rendre les derniers devoirs aux personnes dont les corps doivent être brûlés. Les autres cultes n’ont ni les mêmes scrupules ni la même sévérité. Les pasteurs protestans accompagnent leurs coreligionnaires jusqu’au monument crématoire, et les israélites jouissent de la même liberté. Ce n’est donc plus qu’une question d’hygiène et de convenance sociale.


III

Les partisans de la crémation ont surtout mis en avant les intérêts de la santé publique, et ils ont été conduits à exagérer les inconvéniens de l’inhumation. Ce sont eux qui ont créé la légende des cimetières, les émanations infectes se répandant dans l’atmosphère, la nappe souterraine souillée, les rivières et les puits empoisonnés, les épidémies propagées, etc. Il y a dix ans, cette