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procède avec les influences conservatrices ; on bouleverse le sol autour d’elles, on retourne les terrains d’où elles jaillissent, on s’efforce de couper les canaux et de tarir les sources qui les alimentent.

Il restait en France, dans les communes, une représentation des intérêts ; la loi municipale a supprimé l’adjonction des plus imposées. Il en résulte que les centimes additionnels, et Dieu sait quelle en a été la progression ! sont souvent votés par ceux qui ne les paient point. Heureusement pour le pays, les maires sont encore élus par les conseils municipaux ; la majorité républicaine, tout en en manifestant parfois son humeur, n’a pas osé dépouiller les communes du droit dont les avait investies une majorité conservatrice. Si les influences sociales n’ont pu être entièrement bannies de la mairie, on leur a fermé hermétiquement l’école. C’est contre elles et à dessein qu’a été dressé le mur élevé par la loi entre l’école et la mairie, vainement réunies sous le même toit. La laïcisation même des écoles n’a pas seulement touché les conservateurs dans leurs convictions religieuses, elle les a durement et doublement frappés dans leurs intérêts matériels. La bourse n’a pas été moins atteinte que la conscience. A côté des écoles publiques reconstruites à grands frais avec leur argent, les familles riches ou aisées ont dû souvent ouvrir des écoles libres entretenues uniquement par leur générosité. Aux contributions du percepteur, il leur a fallu ajouter le denier des frères ou des sœurs. De pareils efforts coûtent et disposent mal pour qui les impose. Aux charges pécuniaires et aux froissemens de la conscience, la loi scolaire a ajouté les tracasseries. Dans les départemens où l’on prétend observer les prescriptions de la loi, le cultivateur ne peut, au printemps, disposer librement des bras de ses enfans ; il lui faut l’autorisation des commissions scolaires ; et le propriétaire le plus lettré est tenu de faire passer, à ses filles, un examen devant une ignorante commission de pédans de village. Est-ce la peine de mentionner ici la suppression du volontariat ? quels qu’en soient les résultats, le service de trois ans, tel qu’il a été établi, va encore blesser des intérêts et attiser des mécontentemens.

Que si, à ces charges et à ces vexations, on ajoute celles dont la république leur a fait la menace : l’impôt sur le revenu, par exemple, ou l’impôt progressif, ou encore la suppression du budget des cultes qui ferait retomber l’entretien des églises sur les propriétaires, on sentira que, dans leur opposition, les conservateurs ne luttaient pas seulement pro aris, comme disait notre Conciones, mais aussi pro focis, pour leur fortune, pour leur rang dans la société, pour leur famille, pour leurs enfans ; c’était bien là, pour eux, le struggle for life. Mais, en combattant la politique de la gauche,