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président de la république lui-même profite de l’occasion pour reprendre le cours de ses voyages. Il va en Provence, il doit aller faire sa visite à la Corse ; il est toujours sûr d’être bien accueilli, parce qu’on voit en lui le représentant de la France. Le monde officiel et parlementaire, dispersé depuis quinze jours, a encore deux ou trois semaines de liberté. Rien de mieux, c’est la trêve de Pâques ; mais ce n’est évidemment qu’une trêve, un répit qui finira le jour où sénateurs, députés et ministres, revenus de leurs voyages ou de leurs provinces, se retrouveront en présence de tout ce qu’ils ont laissé en suspens, des problèmes de politique, de finances, de commerce, d’ordre moral, qui sont restés sans solution. La question est de savoir si les vacances, qui sont venues à propos nous donner quelques semaines de tranquillité, auront été une occasion de réflexions salutaires pour ceux qui peuvent avoir une influence sur les affaires publiques.

Jusqu’ici on a passé cinq mois à s’agiter, à invalider, à aller du ministère Tirard au ministère Freycinet sans plus de résultat. On n’a rien fait, c’est évident, et on ne pouvait rien faire, parce qu’on s’est obstiné à méconnaître la signification intime et vraie des élections dernières, parce qu’au lieu de s’inspirer du mouvement d’opinion qui venait de se manifester, on a voulu rajuster à tout prix une vieille majorité, prolonger le règne d’une politique malfaisante et épuisée. S’il y a cependant un fait clair et sensible, c’est que ces élections dernières, d’où tout découle, ont créé une situation nouvelle, et que, dans cette situation nouvelle, on ne peut rien, on ne peut pas surtout avoir un gouvernement sérieux si on ne tient compte des vœux du pays, des forces modérées et modératrices révélées par le scrutin universel. Le fait positif, c’est que dans ce parlement nouveau sorti du dernier scrutin, il y a les élémens de combinaisons nouvelles qui en sont peut-être encore à s’essayer, qui n’en sont pas moins possibles et deviendront nécessaires. C’est là le problème auquel on n’échappera pas un jour ou l’autre. C’est justement aussi ce qui donne un intérêt particulier à ce programme récemment publié par un certain nombre de députés de l’opposition conservatrice. Est-ce un programme précis et définitif ? le groupe de députés disposés à se rallier au nouveau manifeste s’appelle-t-il la droite indépendante, la droite constitutionnelle, ou même la droite républicaine, comme le voulait, il y a déjà des années, un homme à l’esprit résolu, mort prématurément, M. Raoul Duval ? Peu importe le nom, l’étiquette ne fait rien à l’affaire. Ce qu’il y a d’essentiel et de significatif, c’est cette révélation avérée, cette sorte de constatation authentique de l’existence d’un groupe parlementaire auquel se rallient des hommes comme M. Piou, M. Hêly d’Oissel et bien d’autres, qui entreprend de donner à la politique conservatrice une expression nouvelle, une forme plus pratique. Les « indépendans » du nouveau groupe mettent toujours sans doute les intérêts conservateurs au