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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/956

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oublié le secret magique pour le chasser. C’est peut-être aussi l’histoire des empereurs trop volontaires !

Tel est l’état du monde qu’il n’est guère aujourd’hui, du nord au midi, un pays qui n’ait ses ébranlemens, ses embarras, ses difficultés de vivre. La Russie elle-même avait récemment ses troubles universitaires qui, sans être précisément dangereux, dénotent cependant une certaine effervescence mal définie et paraissent préoccuper le gouvernement du tsar. A l’extrémité opposée du continent, au-delà des Pyrénées, à Madrid, à Lisbonne, les affaires se compliquent d’incidens inattendus, de scissions violentes. Bref, il y a un peu partout assez d’élémens discordans pour qu’on puisse encore s’attendre à de l’imprévu.

Évidemment, tout devient, depuis quelques jours, assez obscur, assez difficile à Madrid. La paix intérieure de l’Espagne, sans être jusqu’ici absolument menacée, paraît assez précaire. Le ministère présidé depuis quatre ans par M. Sagasta, et si souvent renouvelé, quoique toujours sous le même chef, a fini par se faire une situation de plus en plus contestée, de plus en plus laborieuse entre les partis. Il rencontre des oppositions passionnées, qui se manifestent sous des formes redoutables. Le chef du cabinet, M. Sagasta, a eu, à la vérité, il n’y a que quelques jours, un succès qu’il a poursuivi avec une patiente obstination, qui semblait prouver qu’il restait toujours maître du congrès. Il a réussi à obtenir de la docilité peu convaincue de beaucoup de ses amis et de la lassitude de ses adversaires de l’opposition le vote d’une réforme électorale qui va jusqu’à l’établissement du suffrage universel en Espagne, — un suffrage universel mitigé, réglementé, assez compliqué, mais enfin le suffrage universel ! C’était la partie de sa politique à laquelle M. Sagasta tenait le plus, c’était aussi, à ce qu’il semble, la rançon de ses alliances avec le libéralisme le plus avancé, avec les républicains modérés. Il a fini par amener le congrès à son opinion. Il ne lui restait plus, pour couronner son œuvre, qu’à convaincre le sénat. Il comptait évidemment réussir au sénat comme au congrès, lorsque, sur ces entrefaites, il s’est trouvé en face d’un de ces incidens qui sont précisément le signe des situations tendues. A dire vrai, M. Sagasta, depuis qu’il est au pouvoir, n’a pas été toujours habile dans ce qu’on pourrait appeler sa politique militaire. Il a usé déjà trois ou quatre ministres de la guerre et il n’a cessé de flotter entre toutes les résolutions, entre tous les systèmes. Il a laissé s’agiter autour de lui toute sorte de projets de réformes faits pour ébranler l’organisation de l’armée. Tout récemment, il laissait passer au congrès une proposition qui ne tendait à rien moins qu’à diminuer ou à subordonner les commandemens militaires dans les Antilles. Le malheur de toutes ces propositions, de cette politique décousue, a été de mettre l’incohérence dans les affaires de la guerre, de réveiller les