Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en même temps qu’une connaissance plus exacte du milieu social et géographique où ces symboles ont pris naissance nous aide à retrouver les origines de l’image qui a fourni un corps à l’idée.

Dès lors, il n’y a plus de motifs pour qu’on n’arrive pas, dans l’étude des symboles, à des résultats aussi positifs que dans l’étude des mythes. L’examen comparé des mythes est entré depuis longtemps dans une phase scientifique, soit qu’avec M. Max Muller et l’école linguistique on se contente de rapprocher les traditions des nations parlant des langues apparentées, soit qu’avec M. Andrew Lang et la plupart des ethnographes on ne se fasse pas scrupule de comparer la mythologie de tous les peuples connus. Or, le mythe, — qu’on peut définir : une dramatisation de phénomènes naturels ou d’événemens abstraits, — offre plus d’un trait commun avec le symbole. L’un et l’autre reposent sur le raisonnement par analogie, qui, dans un cas, crée un récit imagé ; dans l’autre, une image matérielle. Sans doute, il y a cette différence, — un peu méconnue par ceux qui ont embrouillé la notion du symbolisme religieux en y englobant la mythologie, — que, dans le symbole, on doit avoir conscience d’une distinction entre l’image et l’être ou l’objet ainsi représenté, tandis qu’un caractère essentiel du mythe est de supposer le récit conforme à la réalité. Mais il est facile de comprendre que tous les deux se forment fréquemment à l’aide des mêmes procédés, et surtout se transmettent par les mêmes voies.

En tout cas, il y a des religions dont on ne peut se rendre compte, si l’on ne s’efforce de suppléer à l’insuffisance des textes par l’étude des monumens figurés. Un symptôme significatif sous ce rapport, c’est la tendance croissante, chez les savans, à utiliser, dans l’étude des religions particulières, les textes pour contrôler les symboles et les symboles pour contrôler les textes, comme on peut en juger par les récens travaux de MM. Senart sur l’histoire du bouddhisme, Gaidoz et Al. Bertrand sur les symboles de l’ancienne Gaule, J. Menant sur les pierres gravées de la Haute-Asie, Ch. Lenormant, Clermont-Ganneau, Ledrain et Ph. Berger sur les représentations figurées des religions sémitiques. Ces travaux sont la meilleure démonstration des services que peut rendre à l’histoire des religions l’interprétation des symboles, pourvu qu’on y observe toute la rigueur des méthodes scientifiques.

A cet effet, il ne s’agit pas seulement d’éviter les idées préconçues et les généralisations hâtives. Ce qu’il faut surtout, c’est, provisoirement, substituer l’analyse à la synthèse, l’histoire des symboles à l’histoire du symbolisme, — en d’autres termes, prendre les principales figures symboliques une à une, pour en reconstituer