Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Perses le léguèrent aux Arabes, qui, en le dépouillant de sa signification religieuse, le maintinrent comme ornement dans la décoration de leurs bijoux et de leurs étoffes. Enfin, parvenu en Europe pendant le moyen âge, avec des étoffes d’origine orientale, il fut reproduit parmi les sculptures de certaines églises, où il représente tantôt l’arbre de la croix, tantôt, par une curieuse rencontre, l’arbre de vie des traditions bibliques. Dans toutes ces variations d’un même thème, la plante ne constitue qu’une partie du symbole. Ce qui complète et caractérise celui-ci, c’est la présence de deux personnages « affrontés, » génies, démons, animaux sauvages ou fantastiques, monstres mi-bêtes et mi-hommes, entre lesquels l’arbre sacré dresse sa tige ou étale ses branches. Il n’en faut pas davantage pour établir la filiation de cette image complexe qui met en rapport, à travers plusieurs milliers d’années, les cylindres de la Chaldée avec les médailles des pagodes javanaises, les chapiteaux grecs du Didyméon avec les tympans chrétiens du Calvados et du Gloucestershire.


Une cause fréquente d’altération à laquelle on n’a peut-être pas accordé jusqu’ici assez d’attention dans l’étude des symboles, c’est l’attraction que certaines figures exercent les unes sur les autres. Nous pouvons presque énoncer, sous forme de loi, que quand deux symboles expriment la même idée ou des idées voisines, ils manifestent une tendance à se combiner de façon à engendrer un type intermédiaire. Faute d’avoir compris qu’un symbole peut ainsi se relier à plusieurs figures fort différentes de provenance et même d’aspect, combien d’archéologues ont perdu leur temps à se disputer sur les origines d’une image ou d’un signe que chacune des parties avait raison de rattacher à un antécédent distinct, — comme ces chevaliers légendaires qui rompaient une lance pour la couleur d’un bouclier à deux teintes, dont l’un voyait seulement la face et l’autre le revers !

Les exemples de ces véritables transmutations symboliques sont trop nombreux pour être énumérés ici. En voici un à la fois simple et saillant : la roue, qui a le double avantage d’avoir une forme circulaire et d’impliquer l’idée du mouvement, est un des symboles les plus fréquens du soleil. Là où cet astre a été également symbolisé par une fleur épanouie, on a fréquemment cherché à fondre les deux images. C’est ainsi que, dans les bas-reliefs de l’Inde bouddhique, on trouve des roues dont les rais sont remplacés par des pétales de lotus, alors que, dans l’île de Chypre, certaines monnaies portent des roses dont les feuilles sont circonscrites par des rayons tordus ou même disposées en forme de