sentimens tempérés. Tout contribue chez lui à produire cette impression : mouvement de la phrase, choix des mots, dialecte même ; et elle subsiste, quelle que soit la forme de composition qu’il mette en œuvre, aussi bien dans les discours ou entretiens que dans les récits proprement dits.
Hérodote écrit en dialecte ionien. C’était le dialecte alors en usage à Halicarnasse, sa patrie, et l’exemple de ses prédécesseurs en avait d’ailleurs consacré l’emploi dans les ouvrages historiques. L’ionien, chez Hérodote, est plein de voyelles brèves, qui, soit à la fin, soit dans le corps des mots, se rencontrent sans cesse : il y en a même beaucoup plus que chez Homère, dont le langage est mêlé sans doute d’éolismes. Ces nombreuses voyelles donnaient à l’ionien beaucoup de douceur et de grâce naïve. On louait ces qualités chez les logographes comme chez Hérodote. Mais l’ionien d’Hérodote n’était pas tout à fait le même que celui de ses prédécesseurs : il y mêlait, dit-on, quelques élémens empruntés à d’autres sources. Il était naturel qu’Hérodote, nourri de lectures fort diverses, écrivant pour toute la Grèce, avec des préoccupations d’art inconnues à ses devanciers, restât moins strictement fidèle au dialecte local et se crût autorisé à ne pas garder au même degré l’accent du terroir. Les poètes faisaient ainsi ; or l’un des mérites d’Hérodote fut de donner à la prose grecque quelques-uns des privilèges de la poésie.
Dans le choix des mots également, ce qui domino, c’est la simplicité et la clarté, mais relevées parfois de noblesse et de poésie. Hérodote appelle les choses par leur nom ; il ne cherche pas plus qu’Homère le mot général pour éviter le mot familier ou bas. Il ne crée pas de termes abstraits et subtils comme Thucydide : la précision de la langue courante lui suffit. Il n’a pas davantage de ces mots composés, de ces épithètes pittoresques, neuves, hardies, qu’aimaient et que prodiguaient les poètes lyriques, ni de ces synonymes accumulés par lesquels une prose qui débute cherche quelquefois à se donner les apparences de la richesse et de l’ampleur. Sa simplicité est si parfaite, si naturelle, qu’il est beaucoup plus facile de dire ce qu’elle n’est pas que ce qu’elle est. Pour la définir, nous avons dû l’opposer à autre chose qu’elle-même. Et pourtant, ce vocabulaire habituellement si simple prend parfois de la grandeur : il l’emprunte naïvement à l’emploi de quelques vieux mots consacrés par la langue religieuse ou par l’épopée, ou à l’imitation de certaines formules qui rappellent Homère.
Mais c’est surtout la phrase d’Hérodote, par la souplesse et la variété de son allure, qui exprime le mouvement propre de sa pensée et le tour personnel de ses sentimens. On sait la distinction essentielle que les anciens établissaient entre l’élocution