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comme l’Espagne et le Portugal. Ils ont assez à faire de se débattre dans les embarras, dans les confusions d’un état politique qui ne semble pas se simplifier. Le ministère de Madrid, il est vrai, a réussi à sortir à peu près intact de cette sorte d’échauffourée militaire et parlementaire qui s’est produite un moment à l’occasion des lettres de quelques généraux et de la punition qui leur a été infligée. S’il n’a pas été bien chaudement soutenu, il n’a pas été non plus désavoué et abandonné au scrutin parlementaire. Il a eu le dernier mot : c’était après tout un intérêt supérieur de discipline militaire. Le général Daban, le principal personnage de cette échauffourée de petites lettres, est parti paisiblement, sans ombre de résistance, pour aller faire ses arrêts au château-fort d’Alicante. Un autre manifestant, le général Salcedo, est allé subir sa peine dans une citadelle du nord. Le général Martinez Campos, le plus énergique défenseur du général Daban, s’est empressé d’aller porter ses hommages à la reine régente. Tout semblait terminé et l’était en effet de ce côté ; mais à peine le ministère en avait-il fini avec cette affaire des généraux, il a été surpris par un autre incident qui n’est peut-être pas moins grave, qui révèle dans tous les cas un certain état d’anarchie ou d’effervescence dans quelques régions de l’Espagne. Un des chefs du parti carliste, qui est sénateur, le marquis de Cerralbo, est allé récemment faire un petit voyage de propagande en Catalogne, c’était un voyage assez pacifique. Le sénateur carliste a voulu aller jusqu’à Valence ; mais là son arrivée a provoqué un véritable soulèvement populaire. Une multitude furieuse s’est attroupée et répandue dans la ville ; une fois déchaînée, elle s’est portée aux plus violens excès, assiégeant dans son hôtel le marquis de Cerralbo et ses amis, poussant des cris de mort, et profitant de l’occasion pour saccager et piller quelques édifices, notamment le collège de Jésuites. La ville a été un moment le théâtre de véritables scènes révolutionnaires. Le gouverneur civil, visiblement surpris, n’a su que faire et n’a eu rien de plus pressé que de laisser le soin de la répression au capitaine-général qui s’est chargé de rétablir l’ordre à Valence. L’ordre matériel a été rétabli sans doute. Ces scènes révolutionnaires ne gardent pas moins quelque gravité, ne fût-ce que comme symptôme de l’anarchie des esprits et de la faiblesse des autorités civiles dans des villes populeuses comme Valence. Le fait est que le ministère a paru assez embarrassé dans les explications qu’il a dû donner aux chambres, et que des incidens de cette nature ne lui rendent pas la force et le crédit qu’il semble perdre de jour en jour.

C’est justement la fatalité des situations affaiblies et compromises de produire de ces incidens. L’habile président du conseil, M. Sagasta, a triomphé jusqu’ici de bien des difficultés. Il n’est tombé ni pour l’affaire des généraux, ni à l’occasion de l’émeute de Valence ; il n’en est