j’ai intérêt qu’une personne connue celle-ci n’y soit pas bien avant, car bien que je ne sois que votre amie, je suis persuadée qu’une maîtresse me ferait tort. Je crois que toutes les maîtresses en font aux amies et qu’il est impossible d’aimer autant une amie, ayant une maîtresse, que si l’on n’en avait point. Dites-moi un peu votre sentiment là-dessus, car c’est une chose que je disputai fort l’autre jour. »
Nous n’avons point la réponse de Ménage sur cette question assez délicate à traiter entre une jeune femme et un homme qui avait encore des prétentions. L’attachement de Ménage pour Mme de Montbazon ne dut pas être de longue durée, car de l’humeur versifiante dont il était, il n’eût pas manqué de célébrer ses charmes en quelque langue que ce fût, et nous ne trouvons pas le nom de la dame dans « la table des personnes dont il est fait mention dans les poésies latines et grecques, italiennes et françaises de M. Ménage. » Mme de Montbazon fut au reste prématurément enlevée à l’âge de quarante-cinq ans, « ayant montré jusqu’au bout que beaucoup d’années et de beauté se pouvaient rencontrer ensemble. » Ménage lui-même approchait de la cinquantaine : on peut donc supposer que Mme de Montbazon fut sa dernière galanterie et qu’assagi par les années, il cessa de se montrer à la fois infidèle et jaloux.
Du côté de Mme de La Fayette le ton des lettres change également, et nous la voyons livrée à des préoccupations bien différentes. On sait qu’elle était un peu processive, ou du moins que, s’étant trouvée après la mort de M. de La Fayette aux prises avec des affaires assez embrouillées, elle eut à défendre les intérêts de ses enfans et qu’elle le fit avec beaucoup d’entente. Elle-même s’étonnait des aptitudes qu’elle s’était tout à coup découvertes : « C’est une chose admirable que ce que fait l’intérêt que l’on porte aux affaires. Si celles-ci n’étaient pas les miennes, je n’y comprendrais que le haut-allemand, et je les sais dans ma tête comme mon Pater. Je dispute tous les jours contre les gens d’affaires de choses dont je n’ai nulle connaissance « t où mon intérêt seul me donne de la lumière. » Pendant quelques années on voit que cette préoccupation la domine entièrement. Elle ne veut point se loger dans une maison que lui offre son beau-père parce que cette maison est trop éloignée du quartier « où les plaideuses ont à faire. » Et elle a fort à faire, en effet, car il lui faut, comme on disait autrefois, solliciter le juge. Elle s’y emploie avec toute l’ardeur imaginable. A tout prix elle veut sortir de la grand’chambre, et aller à la cinquième. « Nous aurions mieux raison, dit-elle, du président Mole que de ces vieux présidens à mortier, et il nous donnerait un