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aussi urgente et non moins facile, à la condition d’y apporter un esprit dégagé de rancunes et de préjugés, le seul qui convienne à des pensées de cet ordre. Les passions contemporaines sont, en effet, si ardentes et par conséquent si aveugles, que le sujet ne vaut la peine d’être traité qu’à la condition de s’éloigner de la France de 1890 de deux cents ans ou de cinq cents lieues.

Ministère, ou plutôt fragment de ministère, le plus petit et, pourtant, le plus discuté de tous, cette demi-douzaine de bureaux qui composent la direction des cultes sont l’expression des rapports de l’Église et de l’État. Et les rapports de l’Église et de l’État, c’est un des plus graves problèmes actuellement soumis, en notre pays, à la méditation des penseurs ; seulement, ce qui fait méditer les penseurs fait aussi songer les insensés. C’est pour cela que les sages hésitent ; d’autant plus qu’en séparant les conjoints, la justice exige que l’on rende à l’épouse son apport dotal, le « budget des cultes. » La question d’argent n’est pas seule à compliquer cette liquidation imminente d’une communauté qui a duré de longs siècles, qui eut ses périodes difficiles, ses querelles, communauté où chacun des deux contractans chercha constamment à asservir l’autre et où ils y parvinrent chacun à leur tour, — l’Église d’abord, durant tout le moyen âge ; l’Etat ensuite, depuis la fin du XVIe siècle, — mais où l’amour réciproque qu’ils avaient l’un pour l’autre pansait aisément les blessures, faisait pardonner les violences et oublier les gros mots. Lorsque, après dix ans de guerres et de sang répandu, de proscriptions et d’anathèmes, Bonaparte et Pie VII signèrent, l’un pour l’État, l’autre pour l’Église, le nouveau contrat qui devait renouer, en les modifiant, les bons rapports d’autrefois, l’amour était mort ; ce n’était plus qu’un mariage de raison, une union intéressée, une affaire, d’où le cœur était absent. De fait, cette affaire était bonne et avantageuse aux deux parties ; c’est même pour cela qu’elle fut conclue, quoique à travers mille tiraillemens. Ce concordat, paraphé à l’aurore des temps nouveaux, fut comme les traités de commerce de 1860, auxquels on veut aujourd’hui malemort et qui, en leur temps, ont largement contribué à notre prospérité matérielle. Le traité religieux de 1801 passa aux « profits et pertes, » pour le plus grand bien moral de la société d’alors, beaucoup de créances irrécouvrables et beaucoup de griefs encore saignans. Mais il ne fit pas revivre le passé. On n’avait inséré dans le texte que le règlement succinct des litiges de la veille, et des engagemens vagues pour la vie commune qui allait reprendre le lendemain. Toutefois, la plupart des négociateurs entendaient appliquer à ce remariage des deux pouvoirs, spirituel et temporel, les obligations légales des unions privées : l’Eglise et l’État se devant mutuellement fidélité, secours, assistance ; l’État,