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et leurs magistrats ne se privent pas de prendre ainsi par la famine des prélats et des abbés qui leur résistent, ce qui est d’autant plus dur que les revenus de l’Église lui appartiennent en propre et ne sortent pas des caisses de l’État. Les compagnies judiciaires d’il y a cent ans qui enregistrent les brefs et bulles des papes, et, au besoin, les corrigent et les mutilent, qui ne permettent pas à un évêque d’exécuter un jubilé si elles ne l’approuvent dans leur ressort, qui protestent « au nom des libertés de l’église gallicane » lorsqu’on envoie faire juger un livre à Rome, en disant que « cela est sans exemple, » prennent connaissance de l’administration des sacremens comme du revenu des fabriques, jugent et annulent les vœux de religion, s’occupent de la forme, de l’heure et de l’ordre du service divin, des honoraires des prêtres pour la célébration des messes et de la transgression des fêtes chômées : — « L’Église, déclarent au roi les prélats, restera bientôt sans autorité ni juridiction si Votre Majesté n’y apporte remède. » C’est un arrêt du parlement qui autorise l’archevêque de Taris à destituer le prieur de Saint-Victor, qui confirme les règlemens des abbés pour la visite de leurs monastères, homologue les statuts des chapitres et règle au besoin la pitance de « ceux qui prennent part aux fruits. » La cour de Grenoble valide l’élection du général de l’ordre de Saint-Antoine, la cour de Toulouse autorise le général des franciscains « à remédier aux divisions » qui règnent dans tel couvent. La même cour ordonne à un archevêque de donner l’absolution à un gentilhomme, excommunié par le concile provincial pour relus de renvoyer une concubine. Le parlement de Paris prescrit au grand-vicaire de Lyon d’absoudre un prêtre du diocèse d’Angers, suspendu par son évêque, et le grand-vicaire, sur le vu de cet arrêt, l’absout. Il va sans dire qu’on se dispute une cure devant les tribunaux comme aujourd’hui un bien laïque quelconque. Tout est ou doit être de la compétence de MM. les conseillers ; tout, jusqu’au logement des religieux en voyage, qui sont tenus de descendre en tels endroits et non ailleurs, jusqu’à la forme des sermons, à leur style, à leur publicité. On ne s’étonne pas de voir le parlement interdire la chaire pour six mois à un père capucin qui a méconnu son autorité. Le prédicateur est, d’ailleurs, sous la coupe perpétuelle du pouvoir policier : non-seulement toute allusion malveillante lui est défendue, mais l’éloge du gouvernement est souvent pour lui obligatoire.

Tel évêque consultait le ministre en faveur avant d’engager un jésuite pour le carême de sa cathédrale et « tenait à savoir si ce choix ne lui déplairait pas, car s’il savait que ce religieux n’aurait pas son agrément, il ne le demanderait pas aux supérieurs. » Une