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les biens qui ont été confisqués en 1790 ; d’autre part, de soumettre le clergé à la loi commune, lui conférant les droits et le soumettant aux charges de tous les citoyens sans qu’il puisse être l’objet ni d’un privilège, ni d’une vexation.


V

À cette évolution profitable, deux partis extrêmes s’opposent. « L’ennemi le plus redoutable de nos institutions, dit M. Madier de Moutjau dans un discours public, le seul qui existe encore, c’est le cléricalisme, qu’il faut appeler par son vrai nom : le catholicisme, sans lequel la république marcherait triomphante… » L’orateur conclut à l’anéantissement de cet ennemi. Voilà la doctrine de l’un des deux partis, et voici la doctrine de l’autre, formulée par M. Chesnelong, dans un discours également public : « Cette union, je pourrais dire cette solidarité providentielle de la France avec l’église du Christ qui fut, à travers les siècles, la marque de sa vocation et l’honneur de sa destinée, les sectaires de nos jours voudraient la briser, et ils conduiraient ainsi notre cher et noble pays à l’abdication de sa vraie grandeur, au reniement de son histoire. » Ces périodes, inévitables à tout homme d’état parlant dans un cirque, un théâtre, et tout autre grand local où se rassemblent des gens, animés d’un même esprit, pour entendre affirmer leurs idées avec éloquence, sont les cris belliqueux qui retentissent sur les champs de bataille, ce n’est pas l’idiome des terrains pacifiques où aiment à se rencontrer les négociateurs.

Il ne faut pas attendre que l’Église accepte en théorie la liberté des cultes, à plus forte raison la séparation des cultes d’avec l’État. Le Syllabus anathématise, comme erreur coupable, cette proposition « qu’à notre époque il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’Etat, à l’exclusion de toutes les autres ; » il condamne également ceux qui avancent que a la loi a eu raison, dans quelques pays catholiques, de donner aux étrangers qui s’y rendent la jouissance publique de leurs cultes particuliers. » Il est heureusement avec le Syllabus des accommodemens, car le pape Pie IX, à qui nous devons ce compendium célèbre, n’a jamais songé pour son compte à interdire le libre exercice du protestantisme, ni même du judaïsme, dans les états romains. Mais la théologie nous apprend que, tout en affirmant la thèse, on doit savoir se contenter de l’hypothèse, et accepter des merles là où les grives font défaut. Ces principes sur la protection due à l’Eglise par l’État, que le Syllabus a rafraîchis, qui ont si fort irrité les libres-penseurs, et si