Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus nombreuses, les plus stables, seront les futurs professeurs.

Si encore ils passaient tous par les Facultés avant d’avoir licence d’enseigner ! Mais non, et ceci est un second trait de différence avec l’Allemagne. Là, nul professeur de gymnase qui n’ait étudié à l’Université, et de ce fait résulte maint avantage. Autres sont nos mœurs, autres nos règlemens. Le tout est d’avoir le grade, licence ou agrégation, qu’on y soit parvenu par l’École normale ou par les Facultés, ou bien qu’on l’ait acquis par un travail solitaire. Et encore, je ne vise que l’enseignement public, celui des lycées et des collèges. Car dans l’enseignement libre, inconnu en Allemagne ou du moins fort différent du nôtre, la possession d’un diplôme n’est imposée qu’aux directeurs. On y peut enseigner, et beaucoup y enseignent, surtout dans les maisons ecclésiastiques, sans preuve universitaire d’aucune espèce. Il suffit que le gérant responsable, eût-il vingt maîtres sous ses ordres, soit bachelier. Eux peuvent se passer de l’être. Ainsi l’a permis la loi. Nouvelle cause de pauvreté pour nos Facultés des sciences et des lettres.

Et ce n’est pas la dernière. En voici une autre, des plus puissantes, qui tient à nos mœurs, et de laquelle l’Allemagne, où toute science théorique se donne à l’Université, n’offre pas l’analogue. Je parle des Écoles spéciales, de celles surtout au profit desquelles s’est constitué un monopole inflexible. Il faut louer sans réserve leur glorieux passé, leurs éclatans services. Mais il faut bien aussi constater qu’elles sont, en particulier pour les Facultés des sciences, une terrible concurrence. Quand sur les quinze cents jeunes gens qui chaque année affrontent ses concours, l’École polytechnique a prélevé sa dîme, du meilleur froment, puis après elle l’École centrale, puis après celle-ci l’externat de l’École des ponts et chaussées et de l’École des mines, que peut-il bien rester, à de rares exceptions près, pour les Facultés des sciences ? Les échoués, et qui n’ont pas même l’espoir à force de travail, à force de mérite, de se retrouver aux prises, pour l’accès des carrières savantes, avec leurs concurrens heureux de la première heure, à qui s’ouvre une seule perspective, laquelle d’ailleurs va se rétrécissant chaque jour, les fonctions de l’enseignement, car l’École normale, il faut le dire à sa louange, n’a jamais revendiqué de monopole, tandis que l’École polytechnique, qui n’est au fond qu’une Faculté des sciences close et casernée, interdit à quiconque n’a pas franchi son seuil, l’entrée des écoles publiques d’application.

Il est encore toute une catégorie d’étudians, fort nombreuse en Allemagne, qui nous échappe, les théologiens. Ils sont six mille dans les Universités allemandes, près de cinq mille protestans et plus de douze cents catholiques, pour la plupart laborieux, instruits