Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

momens dissipait-elle un peu de ces ténèbres, quelque courte suspension venait-elle à se produire dans le cours de ces progrès sinistres, dans cet affaiblissement graduel et implacable des facultés d’un puissant esprit ? celui qui se trouvait ainsi rappelé un instant au sentiment de sa propre déchéance n’en éprouvait que plus amèrement ce besoin d’être oublié qu’il traduisait un jour par cette tragique parole adressée, presque comme un reproche, à l’un de ses confrères qui était venu le voir : « J’ai le droit d’être mort, faites comme si je l’étais ; » après quoi il retombait dans sa torpeur accoutumée, dans un sommeil de la pensée plus profond et plus lugubre de jour en jour.

A Dieu seul appartient le secret de ces mystérieuses épreuves d’une âme qui semble s’être séparée avant l’heure du corps qu’elle animait et à laquelle on dirait que ce corps survit. Lui seul a le mot de ces sombres énigmes. Ceux sous les yeux de qui elles se posent ne peuvent que les accepter sans les comprendre, et, témoins impuissans de la mort partielle qui atteint ainsi un des leurs, pressentir tristement le moment où ils auront achevé de le perdre, où la mort l’aura pris tout entier. Cette seconde fin, pour ainsi dire, de Quatremère de Quincy, ce dernier coup porté à ce qui restait encore de lui, se fit attendre jusqu’au 28 décembre 1849, deux mois après le jour où il était entré dans sa quatre-vingt-quinzième année, trente-trois ans après celui où l’Académie des Beaux-Arts lui avait confié la tâche dont il s’était, pendant près d’un quart de siècle, si loyalement et si savamment acquitté. — Mais revenons au temps où l’Académie ne se trouvait pas encore privée de son concours, à cette époque précise où, après la mort de Percier (5 septembre 1838), les cinq sections de la Compagnie, déjà presque entièrement renouvelées depuis la réorganisation de 1816, ne comptaient plus dans leurs rangs que quatre des membres élus alors ou nommés par ordonnance royale : Bosio, Fontaine, Desnoyers et Cherubini. Des trente-six autres, huit étaient entrés à l’Académie avant la fin du règne de Louis XVIII, treize sous celui de Charles X, et quinze dans le cours des huit premières années du règne de Louis-Philippe.

Si, après la révolution de juillet, l’esprit et le caractère essentiels de : la quatrième classe de l’Institut n’avaient pas changé, si son rôle officiel et ses attributions étaient restés les mêmes, le personnel dont elle se composait présentait, au point de vue des inclinations et des talens, plus de diversité qu’aux époques antérieures. Ainsi, dans la section de peinture il n’y avait guère eu place jusqu’alors que pour les anciens élèves de David ou pour des artistes