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c’est peut-être même vraisemblable. Du moins les grands ressorts sont créés, la défense au jour voulu est assurée, et il y a certes dans un tel acte de quoi compenser ou effacer bien des fautes, bien des misères ou des versatilités d’une politique intérieure trop souvent réduite à chercher sa voie à travers les agitations sans issue et les débats stériles du parlement.

Aussi bien, s’il faut tout dire, ce n’est pas seulement dans notre pays qu’il y a depuis quelque temps des agitations et des confusions. Ce qui s’est passé en France à l’occasion du 1er mai, ce qui s’est même passé depuis par ces grèves multipliées au nord et au midi, s’est produit à peu près dans les mêmes conditions, presque partout, avec des nuances diverses d’originalité nationale ou locale. De toutes parts, d’une extrémité à l’autre de l’Europe, le 1er mai a été le signal de manifestations plus ou moins animées, et ces manifestations elles-mêmes ont été suivies de grèves plus ou moins sérieuses dans la plupart des industries. Le chômage d’un jour pour la prétendue fête du travail est devenu une protestation organisée et prolongée par la désertion des ateliers et des usines.

L’Angleterre est toujours un pays à part. Ce n’est pas le 1er, c’est le k mai seulement, jour de dimanche, que les ouvriers ont fait leur manifestation, réunis à Londres au nombre de 300,000 hommes, guidés par leurs chefs, marchant pacifiquement, bannières au vent, sur Hyde-Parke, gardant d’ailleurs dans leurs revendications un esprit tout anglais. En Belgique, quoique le mouvement ait été assez vif à Bruxelles, à Anvers, à Liège, il n’y a eu ni désordres sérieux, ni incidens inquiétans, ni, à ce qu’il semble, chômage complet parmi les populations ouvrières. Les anarchistes belges ont pris leur revanche en se jetant dans le nord de la France. Au-delà des Pyrénées, manifestations et grèves ont éclaté à la fois, un peu à Madrid, beaucoup plus dans certaines provinces toujours promptes à s’enflammer. L’agitation s’est répandue dans quelques villes du midi et sur le littoral méditerranéen ; elle s’est un moment concentrée surtout à Valence et à Barcelone ; elle a même pris en Catalogne un caractère assez violent pour que le capitaine-général ait cru devoir s’armer en guerre par la proclamation de l’état de siège. Les excitations révolutionnaires et fédéralistes n’ont probablement pas été étrangères à ces tentatives encore mal apaisées. En Italie aussi, du moins dans certaines villes, même à Turin, il y a eu quelques échauffourées promptement réprimées, assez graves cependant pour provoquer des charges de police ou de cavalerie. Dans tout ce mouvement, l’Autriche n’est peut-être pas, au moment présent, la région de l’Europe la moins exposée aux agitations. Vienne, il est vrai, a pu passer en paix la journée du 1er mai et voir la promenade traditionnelle au Prater, où figurent d’habitude l’empereur et les archiducs ; mais dans les provinces, en Moravie, en Silésie, les