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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Notre marché a passé, depuis quinze jours, par de fortes émotions qu’il a supportées avec beaucoup de vaillance. La manifestation du 1er mai n’avait, à vrai dire, inspiré aucune crainte sérieuse à la spéculation. Ce jour même, la rente française était portée brusquement de 89 francs à 89.40. La Bourse manifestait à sa façon, par la hausse des fonds publics. On disait bien que le 1er mai étant justement un jour de liquidation, et le gouvernement ayant intérêt à soutenir les cours, qui représentent le niveau du crédit de l’État, on avait profité de l’occasion et d’un concours assuré pour forcer le découvert à des rachats précipités. Mais la hausse générale des fonds internationaux sur toutes les places étrangères, la facilité des reports, l’abondance des capitaux, le maintien des cours acquis, sont venus témoigner contre l’interprétation attribuant au mouvement de notre 3 pour 100 un caractère purement artificiel.

Le 1er mai a laissé après lui sur divers points, à Barcelone, à Valence, à Tourcoing, à Bessèges, en Italie, en Autriche, une agitation ouvrière qui aurait pu avoir pour conséquence d’assez graves désordres si les gouvernemens n’avaient été partout en éveil. Ces troubles passagers n’ont empêché la hausse ni de l’Extérieure, ni de la rente italienne, ni du 4 pour 100 hongrois. On était donc bien en face d’un mouvement général, plus nettement caractérisé encore par le magnifique essor des fonds russes vers le pair, et il est assez probable que la rente française se serait déjà dirigée vers le cours de 90 francs, si l’incident du Crédit foncier n’était venu arrêter sa marche.

L’annonce de la démission de M. Lévêque, sous-gouverneur du Crédit foncier, n’a d’abord produit qu’une très légère impression sur les cours des titres de cet établissement. Mais les porteurs d’actions et d’obligations commencèrent à s’émouvoir après la publication de la lettre de M. Lévêque au ministre des finances, de la réponse de M. Christophle et de l’attestation de confiance donnée par le conseil d’administration au gouverneur. La réaction fut encore plus vive lorsque l’incident, envahissant le terrain politique, occupa toute une séance de la chambre et faillit provoquer une crise ministérielle, conjurée non sans quelque peine par l’habileté de M. de Freycinet. Aujourd’hui une enquête se poursuit, confiée par le gouvernement à trois