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la maison Galignani n’a compté que deux décès depuis qu’elle a été inaugurée au mois de juillet 1889.

A côté de l’infirmerie, en face de la pharmacie, une petite porte close est surmontée de l’inscription : communauté. Je sonne, on m’ouvre : robe grise, vaste cornette ; je reconnais les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, filles de la charité. Pour les 100 pensionnaires, elles ne sont que 5 ; ce n’est pas beaucoup, mais c’est assez, car elles se multiplient et je ne crois pas qu’un seul des services qui leur sont confiés soit jamais resté en souffrance. Il ne leur a pas fallu longtemps pour être appréciées et respectées, même par ceux qui, au début, clignaient de l’œil et souriaient en les voyant passer, comme il convient à des esprits forts dont l’intelligence est faible. Il est possible, — c’est une simple supposition, — que dans ce refuge ouvert à la vieillesse appauvrie, un blessé de la vie ait demandé asile après avoir essayé de tout, même de, la violence, après avoir marché sur bien des chemins, même sur celui de la révolte. Peut-être a-t-il traversé des jours de folie furieuse et dans la surexcitation des passions perverses a-t-il, lui aussi, juré haine aux « curés » et crié : « A bas les nonnes ! » que pense-t-il aujourd’hui, dans l’apaisement de la faiblesse et du grand âge, lorsqu’il se voit soigné, dorloté comme un enfant par ces jeunes femmes dont le costume jadis le mettait en fureur ; lorsque, s’accusant en leur présence, il s’entend dire : « Bast ! vous avez été moins méchant que vous ne croyez, et puis, à tout péché miséricorde ! » Il ne dort bien que si, le soir, il a été bordé par elles ; il s’attendrit à les voir alertes et gaies, d’esprit large et s’empressant, avec un zèle égal, auprès de ceux qui appartiennent à leur communion, de ceux qui leur sont hostiles, de ceux qui rejettent Dieu qu’elles reconnaissent. Il s’étonne ; toutes ses idées préconçues sont bouleversées ; quoi ! dans le vieillard, dans le malade, elles ne cherchent que la caducité et la souffrance qu’elles veulent secourir ; elles ne sont qu’infirmières. Il n’en revient pas, et lui, qui, autrefois, eût fermé les couvens et dispersé les communautés, il dit : « Faut-il que l’administration soit bête d’avoir « laïcisé les hospices ! » L’opinion du brave homme est juste, et cependant elle porte à faux. « L’administration » a subi une nécessité qu’elle n’a pas créée. En la matière, elle n’est que pouvoir exécutif ; la puissance législative appartient au conseil municipal, qui en mésuse et fait de la bienfaisance avec ses opinions politiques ; il tient les cordons de la bourse, ce qui lui permet d’imposer sa volonté, si peu équitable qu’elle soit. Sous peine de mort, l’assistance publique doit s’incliner ; où trouverait-elle les 18 millions de « subvention pour dépenses ordinaires » qu’elle reçoit tous les