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la sécurité à la fois des commerçans et de l’établissement escompteur.

La seconde erreur est celle qui voit dans l’émission des billets la création d’une sorte nouvelle de monnaie, distincte de la monnaie métallique et présentant sur cette dernière l’avantage de pouvoir être multipliée indéfiniment et à peu de frais. Cette feuille de papier ornée de vignettes fines et d’arabesques singulières qui vaut plusieurs dizaines ou centaines de pièces d’or, n’est-ce pas l’instrument tout trouvé du développement et surtout de la répartition de la richesse ? L’erreur de cette espèce porte le nom caractéristique d’inflationisme ; c’est une maladie économique dont les nations sont atteintes à certaines époques de leur développement historique, et qui s’accuse par une forte demande de papier-monnaie. La république Argentine souffre, en ce moment même, d’un violent accès de cette fièvre. Le billet de banque ne remplace pas la monnaie métallique, et rien n’est plus imaginaire que l’ancienne notion de la proportionnalité fixe entre le montant donné d’une encaisse métallique et la quantité de papier-monnaie en circulation, dont ce montant peut soutenir la valeur au pair. Cette proportionnalité est extrêmement variable, selon l’état de la fortune publique, les circonstances extérieures, politiques ou économiques, l’activité des transactions, la tendance générale des affaires et, naturellement encore, le crédit de l’établissement ou du gouvernement émetteur. On ne crée pas de la monnaie avec du papier ; mais l’emploi du billet de banque remplace avantageusement, dans un grand nombre de cas, l’emploi de la monnaie métallique, dont il n’est que le signe, aisément maniable et transmissible. Il est donc absurde de supposer que l’on puisse multiplier impunément le papier-monnaie dans les temps de crise. Les exemples, de notre temps, abondent, et il n’est pas besoin, pour établir cette vérité, de remonter jusqu’aux assignats. Lors donc que la Banque de France escompte du papier commercial avec les billets qu’elle fabrique elle-même, et dont la foule est assez portée à croire que la fabrication ne lui coûte rien, elle n’escompte pas avec un capital d’un volume extensible à volonté, mais bien avec la représentation fidèle d’un capital limité et que toute crise tend à réduire.

Investie d’un monopole, disait-on entre 1860 et 1865, la Banque de France doit renoncer au droit d’élever le taux de l’escompte, car c’est dans les temps difficiles et troublés que le commerce a le plus besoin de l’escompte facile et à bon marché. La Banque n’a, dans ces momens, qu’à multiplier les émissions, puisque l’État lui a cédé son droit, régalien par essence, de frapper monnaie, pour donner satisfaction à tous les besoins du public. On ne songeait pas que, si un établissement comme la Banque de France venait à