honneurs et pressés de jouir de leur victoire, pour fonder une association nouvelle, la Société nationale des beaux-arts. Il va sans dire que, comme jadis, la querelle est surtout une querelle de peintres ; les peintres, plus mêlés au monde et aux affaires que les autres artistes, plus productifs, plus discutés, plus adulés, sont naturellement aussi les plus agités. On trouve plus de calme dans les autres groupes de la corporation. Une vingtaine de sculpteurs et de graveurs seulement ont suivi les dissidens aux galeries du Champ de Mars, mises à leur disposition par la ville de Paris. Les autres sont restés, avec le gros de l’armée des peintres et tous les architectes, dans le palais des Champs Elysées, concédé chaque année par l’État à leur Société depuis sa fondation, siège traditionnel des Salons depuis trente-cinq ans.
Le public n’a pas à intervenir dans ces discussions de famille. Il peut trouver seulement que c’est beaucoup de peinture mise à l’air d’un seul coup et désirer que, dans l’avenir, soit qu’on se réconcilie, soit qu’on se chamaille, on n’abuse pas aussi obstinément de ses yeux, de ses jambes, de sa patience. 3,432 peintures ou dessins aux Champs-Elysées, 1,221 au Champ de Mars, soit un total de 4,653 cadres, presque autant qu’à l’Exposition universelle, voilà de quoi épouvanter les plus enragés ! On aura beaucoup de peine à nous persuader que nous ne prendrions pas une idée plus sérieuse et plus vraie du mouvement de l’art contemporain si nous avions seulement sous les yeux un quart ou un tiers de ce déballage éhonté. L’heure n’était pas propice, il est vrai, pour accomplir la sélection indispensable, qui est réclamée, de toutes parts, depuis longtemps. Des deux côtés, ne devait-on pas s’efforcer de remplir l’espace concédé, de faire étalage de ses partisans ? Aux Champs-Elysées, la Société des artistes s’en tenant à ce déplorable système, qui condamne les hommes de valeur à n’exposer que deux ouvrages, a ouvert plus que jamais ses portes à d’innombrables médiocrités dont les tristes productions, mal exposées et peu vues, ne font en réalité figure qu’au livret, encombrent les murailles, distraient l’attention, écrasent leurs voisins. Au Champ de Mars, la Société nationale, reprenant, avec à-propos, le système contraire, l’a malheureusement du premier coup, par nécessité sans doute, poussé jusqu’aux derniers excès, en sorte que, malgré les groupemens instructifs des personnalités intéressantes, on s’y noie aussi dans un fond de banalités non moins inutiles, mais plus monotones encore, plus impertinentes et plus prétentieuses. Il faut espérer que la leçon servira dans les deux sociétés. Puissent ces sœurs ennemies, lorsqu’elles vont être