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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra-Comique : Dante, opéra en 4 actes, paroles de M. Edouard Blau, musique de M. Benjamin Godard

Cette fois le proverbe latin a menti : la fortune a trahi les audacieux. Mais aussi quelle audace d’affronter un pareil sujet, de mettre en musique, en opéra surtout, Dante, sa vie, son amour et son poème ; le ciel et la terre avec tout ce qu’ils renferment, comme dit le catéchisme ! Cela rappelle la petite brochure qu’un publiciste avait modestement intitulée : Dieu, l’Homme et le Monde. Dante ! ce nom seul est trop grand pour une affiche et trop lourd pour une partition. Excusez du peu, n’eût pas manqué de dire Rossini, qui, lui, n’aurait jamais fait un ténor de son immortel compatriote. Ténor, d’ailleurs, baryton ou basse, il n’importe, et nous cherchons plus qu’une querelle de diapason, de clé d’ut ou de fa, au poète et au musicien qui se sont attaqués (c’est bien d’agression qu’il s’agit), qui ont manqué de respect esthétique à l’un de ces sujets, à une et même à deux de ces figures qui devraient être inviolables, au-dessus de traductions que justement la langue de Dante assimile à des trahisons.

Sur la place de la seigneurie de Florence, Guelfes et Gibelins s’invectivent. C’est jour d’élection et le peuple va nommer tout à l’heure un nouveau gonfalonier. Dante paraît : il a vingt ans, il vient de promener à travers l’Italie ses premiers rêves de poète et le souvenir de Béatrice. A ses concitoyens qui ne respirent que la haine, il parle de printemps, de ciel bleu et d’amour. On l’écoute et Les querelles s’apaisent. La première main qui se tend au jeune homme est celle de son ami, Siméone Bardi, et cette main, Bardi l’annonce à Dante, va bientôt