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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/710

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Brissard, l’y laisse-t-elle aller et s’y rend-elle elle-même ? Ceci, ce n’est plus même de la convention, ou du moins c’en est la forme aigüe : c’est du vaudeville ou c’est du mélodrame ; mais ce n’est pas du mélodrame émouvant, ni du vaudeville amusant. Comme il fallait finir, M. Henri Lavedan en a pris les moyens qu’il a pu.

Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait parmi tout cela de l’esprit, trop d’esprit, de l’esprit de mots, pas toujours très heureux, trop cherché, trop « fin de siècle » ou « lendemain d’exposition. » L’esprit naturel devient rare. Il y a d’ailleurs un caractère ou un personnage d’assez bien tracé : c’est celui de M. André Le Brissard, dont on nous assure que les exemplaires seraient assez nombreux autour de nous, et dont en effet quelques traits paraissent pris sur le vif. Une ou deux scènes encore sont d’un mouvement assez heureux et d’une facture assez habile. Ce sont, au troisième acte, la scène de la déclaration de M. Le Brissard à Mme Chalus, un peu longue peut-être, mais agréable pourtant à suivre ; et c’est, au premier acte, entre les deux sœurs ennemies, une scène assez dramatique. L’intérêt de la première est fait, dans une situation délicate sans doute, — mais dont je ne crois pas d’ailleurs que la « force » ait étonné personne, — du parfait sang-froid et de l’entière aisance des deux interlocuteurs. On ne discuterait pas plus posément une affaire ; et Mme Chalus se défend avec aussi peu d’émotion que M. Le Brissard y exprime sa fantaisie d’amour. Quant à la scène des deux sœurs, il est bien vrai qu’elle ne répond à rien, ou plutôt que dès le premier acte elle a jeté l’attention du spectateur sur une fausse piste. L’inimitié de Mlle Ferai et de Mme Le Brissard n’amènera rien, n’expliquera rien, ne servira de rien. Mais enfin, la scène est bien faite, et, dans ces quatre actes, c’est la seule où l’on distingue des promesses de talent dramatique. Je ne parle que de la forme, car pour le fond, que ce soit de sœur à sœur, ou de frère à frère, ou de fils à père, qu’y a-t-il de plus banal au théâtre que ces déclarations de haine inexpiable ? qu’y a-t-il aussi de plus déclamatoire ? et qu’y a-t-il qui soit plus mélodramatique ? Je n’ai rien dit du commandant Chalus lui-même, non plus que d’un ami de M. Le Brissard, qu’on appelle le baron d’Égrigent. Les tirades qu’ils font sur le patriotisme, sur l’expansion coloniale, sur la « pénétration du continent noir, » et sur l’avenir de l’Afrique n’ont en effet rien de bien neuf, et ne sont pas seulement étrangères à l’action, mais encore au ton du sujet.

Quant aux interprètes, et quoi qu’en aient pu dire les amis de M. Lavedan, ils sont pour beaucoup dans le demi-succès d’Une Famille. Mlle Bartet, dans le rôle de Mme Le Brissard, est excellente, comme toujours, et lui communique un air d’exister qu’il n’aurait pas sans elle. J’en dis autant de Mlle Pierson dans le rôle de Mme Chalus. M, le Marsy, dans un rôle épisodique, est bonne. M. de Féraudy aussi,