hostilité et cette méfiance tiennent le clergé à l’écart de nos luttes sociales où il n’intervient que par l’action personnelle et bienfaisante de quelques membres isolés. Mais c’est, au contraire, l’honneur des catholiques laïques de s’être jetés avec ardeur dans le mouvement et d’avoir eu l’intelligence du rôle qu’ils peuvent être appelés à y jouer. S’ils avaient eu besoin d’encouragement, ils auraient reçu celui qui est pour eux le plus puissant de tous. La grande voix du Vatican s’est fait entendre et en même temps qu’elle accroissait leur ardeur, elle prescrivait à chacun son devoir : aux patrons « de considérer l’ouvrier comme un frère, d’adoucir son sort dans les limites du possible par des règlemens équitables et surtout de ne se départir jamais à son égard et à son détriment des règles de l’équité et de la justice, en visant à des profits et à des gains rapides et disproportionnés ; » aux ouvriers « de se soumettre avec résignation au travail et à ses conséquences pénibles, de se montrer toujours paisibles et respectueux envers les patrons et de s’abstenir de tout acte capable de troubler l’ordre et la tranquillité ; » aux pouvoirs publics, enfin, de s’abstenir de toute intervention inutile « quand, dans les conditions qui règlent le travail et l’exercice de l’industrie, il ne se rencontre rien qui offense la moralité, la justice, la dignité humaine, la vie domestique de l’ouvrier. » Langage admirable de charité et de mesure et qui est bien fait assurément pour donner confiance dans l’influence bienfaisante de l’église sans qu’il soit besoin pour cela de rêver un pape socialiste.
Mais, en raison même des encouragemens qu’ils ont reçus, et des espérances qu’elle peut faire naître, il faut que l’intervention des catholiques, et je dirai généralement de tous ceux qui se jettent dans la mêlée, inspirés par la seule ardeur de leur chanté, soit judicieuse, réfléchie, exempte d’exagérations. Dans certaines formes qu’a prises récemment cette intervention, j’aperçois un danger que je crois devoir signaler en terminant. A ceux-là mêmes dont on embrasse la cause, ce n’est pas rendre un bon service que d’entretenir leurs illusions et d’épouser leurs colères ; car l’illusion et la colère sont également mauvaises conseillères. Dénoncer comme un scandale qui ne saurait subsister la continuation d’un état social où les quatre cinquièmes de la population souffrent et travaillent pour augmenter les jouissances d’un cinquième et opposer au « spectacle de la tourbe humaine aux prises avec les tortures de la faim, livrée aux hideuses privations de la misère, aux pleurs, à l’accablement des corps et des âmes, à l’agonie de l’impuissance et du désespoir, » celui d’une bourgeoisie repue et satisfaite, et faire entrevoir à ces bourgeois qu’au jour de la victoire « quelques enragés pourraient être tentés de leur couper la tête, »