réunit ces ménestrels : ils savent que la Vierge Marie est parmi eux, « avec les anges, a bêle compagnie ; » car, en l’an 1005, comme le mal des ardens décimait Arras, la Vierge vint entendre deux jongleurs, Itier et Norman, et leur remit un cierge dont la vertu fit cesser le fléau :
- La douce mère Dieu ama son de viele ;
- A Arras la citet fist cortoisie bele :
- As jougleors dona sainte digne chandele,
- Que n’oseroit porter le prieur de la Cele.
C’était le « joyau d’Arras ; » quand l’un des plus remarquables d’entre ces poètes, Jean Bodol, devient lépreux, il regrette en vers touchans, le pauvre mesel, de ne pouvoir plus baiser la sainte chandelle. Du moins, dit-il, il baisera encore, au Petit-Marché, la tour à aiguille finement ciselée qui rappelle cet événement[1]. Ces poètes ont conscience, ce qui est précieux pour l’art, de former une école littéraire, presque une coterie. Une chanson célèbre de Gillebert de Bernoville vante les musiciens et poètes d’Arras :
- Arras est escole de tous biens entendre ;
- Qui voudroit d’Arras le plus caitif prendre
- En autres païs se puet por bon vendre…
La vie paraît y avoir été brillante et douce. Adam de la Halle fut obligé de la quitter un jour et de s’en aller « souspirant en terre estrange fors du douc païs d’Artois. « Il s’écrie en la quittant :
- Encor me semble il que je voie
- Que li airs arde et reflamboie
- De vos festes et de vo gieu !
Quand il peut y rentrer, les vers où sa joie s’exprime font songer à la douceur angevine qui rappelait Joachim du Bellay vers son petit Liré :