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lui raconte son aventure, comment un homme à cheval, qui portait sur son poing ganté une sorte d’escoufle, l’a priée d’amour. Robin s’indigne, et fait le brave : ah ! s’il était arrivé à temps, l’insolent chevalier ne s’en serait pas tiré sans bataille ! Mais pour l’instant, faisons fête entre nous. Voici des pommes et du fromage, un grand morceau de pain, et de l’eau de la fontaine. (Des fruits et du laitage, Marie-Antoinette n’en eût pas demandé plus sous les arbres du Petit Trianon.) Le repas fini, les deux amoureux chantent et dansent :


— Bergeronnette,
Douce baisselette,
Donnez le moi, vostre chapelet,
Donnez le moi, vostre chapelet !
— Robin, veux tu que je le mete
Seur ton chief, par amourete ?
— Oil, et vous serez m’amiete…
Bergeronnette,
Douce baisselette,
Donnez le moi, vostre chapelet !


Le ballet se prolonge : « Avant et arrière, belle, avant et arrière ! » Que signifient toutes ces expressions techniques dont se servent nos deux danseurs, faire le tour du chief, le tour des bras, baler au serain, mener la treske ? Les danses du moyen âge, caroles, baleries, espringeries, nous les connaissons par des descriptions nombreuses de nos vieux poèmes, plusieurs fois réunies et étudiées depuis Ferdinand Wolf. Ici nous voyons en action et nous pouvons nous représenter l’une d’entre elles, grâce à la musique conservée : Robin et Marion dansent un pas frappé, presque sur place, où les mouvemens des bras ont leur rôle, analogue à la bourrée de nos paysans.

Mais le chevalier pourrait bien revenir ; il faut être en nombre pour le recevoir bravement. Robin court au village chercher du renfort, ses cousins Beaudon et Gautier le Têtu : qu’ils apportent leurs bâtons et leurs fourches-fi ères ! Hélas ! avant qu’ils soient réunis, le chevalier est revenu, sous prétexte de chercher son faucon perdu, et Marion doit encore une fois se défendre contre ses propos galans. Robin a pris dans une haie le faucon qui voletait, sa clochette au cou ; il le rapporte poliment au chevalier ; mais ses mains maladroites de vilain ne sont pas habituées à tenir ces nobles oiseaux ; il maltraite un peu le faucon, et le chevalier le paie d’un horion. « Haro ! il m’a tué ! » Où sont les ardeurs belliqueuses du brave Robin ? Le chevalier enhardi enlève Marion sur sa selle et l’emporte. Robin reste à geindre. Ses cousins accourent : « Eh ! Que