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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/472

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dinaire de ce renouvellement, que des candidats de bonne humeur ont appelé le « rajeunissement » du sénat ? Toujours est-il que le scrutin s’est ouvert, puisqu’il s’est fermé, — que, dans trente départemens, il y a eu quelques nouveaux sénateurs élus, quelques autres sénateurs demeurés en chemin, et que tout cela s’est passé au milieu d’une parfaite placidité d’opinion. La campagne a été menée sans chaleur, le vote a été recueilli et reçu sans surprise. Tout au plus, dans ce mouvement électoral, si on peut l’appeler un mouvement, y a-t-il eu quelques incidens à demi caractéristiques, comme la réélection de M. de Freycinet à Paris et l’élection de M. Jules Ferry dans les Vosges. M. le président du conseil, qui avait adressé, avant le vote, à ses électeurs un discours où il avait prodigué l’art des euphémismes et des concessions habiles, a été élu surtout, on n’en peut douter, comme le représentant par destination d’une idée patriotique, comme le ministre chargé des intérêts de l’armée. M. Jules Ferry, quant à lui, ne cachait plus son impatience de rentrer en scène, et il n’a point hésité à donner des gages aux radicaux pour retrouver une tribune. Il a été élu, c’est bien heureux ! Il souffrait trop du silence auquel il a été réduit depuis un an : il se dédommageait, il est vrai, par toute sorte de conversations et d’allocutions ; il se dédommagera encore mieux au sénat, où il a tout l’air de vouloir représenter l’infatuation de l’homme qui en est encore à mettre son orgueil dans tout ce qui a fait son impopularité, dans des lois de combat qui ont si profondément divisé la France. M. de Freycinet, M. Jules Ferry, sont les deux personnages de la dernière représentation du scrutin.

Pour le reste, pour l’ensemble de ces élections du 4 janvier, le résultat était trop faiblement contesté, trop prévu, pour avoir été une surprise. On ne peut s’y tromper : c’est un vote de plus pour la république et pour les républicains, parce que là est le courant aujourd’hui ; c’est une défaite de plus pour les conservateurs, qui ont perdu encore quelques voix, parce que, depuis quelque temps, il faut l’avouer, les conservateurs, attardés dans une immobilité chagrine, n’ont rien fait pour reprendre position, pour défendre utilement les intérêts qu’ils représentent. Les élections du sénat, si l’on veut, sont la suite et le complément des élections législatives, et, si l’opinion s’en est si peu émue, c’est qu’elle a bien senti que quelques voix de plus ou de moins ne changeaient rien, que la question n’était pas là. Que les républicains servis par les circonstances, et, tout pleins de l’esprit de parti, tirent vanité d’un facile succès, qu’ils s’extasient une fois de plus sur leurs progrès dans le pays, soit. C’est bien certain, ils ont la majorité dans le sénat comme dans la chambre des députés ; ils l’avaient déjà, ils l’ont un peu plus. Seulement, qu’est-ce que cela prouve pour la sûreté même, pour la bonne administration de la république ? quelle poli-