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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La première quinzaine de l’an 1891 aura été la quinzaine de l’emprunt. Votée enfin dans les derniers jours de décembre, après neuf mois d’attente, cette opération qui portait sur la somme, vraiment respectable en elle-même, de 869 millions, a donné lieu à une telle concentration de capitaux réservés pour la souscription publique, que la liquidation de fin d’année s’est vue aux prises avec un embarras inattendu, une véritable grève des fonds habituellement affectés aux reports. Les acheteurs ont dû payer depuis 7 à 8 pour 100 jusqu’à 15, 20, et dans certains cas 30 pour 100, pour assurer la prorogation de leurs engagemens.

La spéculation ne s’est pas émue plus que de raison de cette difficulté, la jugeant ce qu’elle était en réalité, exceptionnelle et temporaire. La liquidation terminée, les cours ont repris leur marche en avant : rentes et valeurs ont salué, par un mouvement de hausse anticipé, le grand succès espéré pour l’emprunt.

Dans la dernière semaine, l’abaissement du taux de l’escompte de 5 pour 100 à 4 pour 100 par la Banque d’Angleterre est venu ajouter un nouvel élément d’optimisme à tous ceux que présentait déjà la situation. Cet abaissement marquait d’une manière officielle le terme de la crise ouverte à Londres, le 15 novembre dernier, par la chute de la maison Baring.

Le taux d’émission du nouveau 3 pour 100 était fixé à 92.55. La rente ancienne a été cotée 95.55 un jour ou deux avant la souscription. Un écart de 3 francs, entre le prix offert aux souscripteurs et celui de la cote, était en réalité un attrait peut-être excessif.

C’est dans ces conditions que la journée décisive du samedi 10 janvier s’est ouverte. Les prévisions variaient sur le total des sommes qui seraient portées au Trésor : les plus modérés s’arrêtaient à dix fois le montant de l’emprunt, d’autres allaient jusqu’à vingt et vingt-cinq fois. Le résultat a dépassé toute attente raisonnable.

L’emprunt a été en effet couvert seize fois et demie. Il en était ainsi dès le milieu de la nuit qui suivit la clôture de la souscription, et il restait encore bien des demandes à recevoir et à dépouiller.

L’Etat empruntait 869 millions de francs. Il lui a été offert 14 milliards et demi. Comme le premier versement était de 15 francs par 3 francs de rente et exigeait, pour une fois l’emprunt, une somme de