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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/532

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qui touchait à Maestricht et qu’occupaient la gauche de l’armée alliée et la droite de l’armée française que devait être le véritable siège de l’action ; car, la ville de Maestricht étant l’objet commun présent à la pensée des deux généraux, — dont l’un voulait se rendre maître, tandis que l’autre cherchait à le couvrir, — le grand effort de chacun devait être d’en écarter son adversaire. C’est ce que Cumberland et Maurice avaient également senti, et tous deux avaient concentré sur ce point décisif ce qu’ils avaient de meilleur et de plus solide dans leurs troupes. Cumberland, laissant sa droite aux Autrichiens et le centre aux Hollandais, avait réuni à gauche sous sa direction personnelle les contingens anglais, hessois et hanovriens en leur donnant pour point d’appui le village de Lawfeldt, situé sur une éminence et qu’il avait garni, de front et sur les flancs, de batteries de canons. Maurice, de son côté, confia l’attaque de cette forteresse improvisée aux brigades des comtes d’Estrées et de Clermont, opérant sous ses ordres et en vue du point où le roi vint se placer. Les héros des deux nations se trouvèrent ainsi en face l’un de l’autre, sous les yeux du roi de France, comme deux ans auparavant dans la plaine de Tournai, et Lawfeldt, mis en défense, devait rappeler à tous le souvenir du village de Fontenoy.

Les rôles étaient renversés, mais la valeur déployée dans les deux camps fut pareille. Trois attaques successives, quoique portées avec une extrême vigueur, furent également impuissantes à faire reculer d’une ligne les Anglais, qui restaient pressés en colonnes serrées, dans les rues de Lawfeldt et dans les haies environnantes, et soutenus par le feu des batteries. Leurs rangs étaient incessamment renouvelés par les bataillons d’infanterie placés en ligne derrière le village. Le temps était mauvais, une pluie battante fouettait dans le visage des Français et détrempait le sol sous leurs pas. — « Que penses-tu de ceci ? dit le maréchal à Valfons qui était auprès de lui. Nous débutons mal, les ennemis tiennent bon. — Monsieur le maréchal, répondit gaîment Vallons, vous étiez mourant à Fontenoy, vous les avez battus ; vous étiez convalescent à Rocoux et vous les avez vaincus ; vous vous portez trop bien aujourd’hui pour ne pas les écraser. — J’accepte l’augure, » dit le maréchal en souriant[1].

Effectivement, revenant pour la quatrième fois à la charge, les Français réussirent sinon à pénétrer dans le village, au moins à se loger dans les haies qui le bordaient. Mais c’était un avantage précaire et un abri bien peu assuré, et Cumberland, revenant déjà avec

  1. Valfons, p. 210.