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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/61

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il a combattu renseignement, dans la chaire de médecine, de ses principes de métaphysique et de l’application de sa méthode à tous les problèmes de la nature; dans ses thèses sur l’athéisme, il l’a désigné comme athée en puissance, c’est-à-dire dont les écrits, sans qu’il en ait eu l’intention, peuvent conduire à l’athéisme. Il l’a, dans d’autres thèses, ironiquement appelé un nouvel Élie; et, enfin, preuve certaine d’intentions perfides, il a écrit à Mersenne, le sachant inquiet des progrès de l’athéisme, pour lui signaler le danger des preuves proposées par Descartes; il croit les argumens nouveaux périlleux pour beaucoup d’esprits et engage un théologien qu’il croit profond à les combattre, s’adresse à lui directement, loyalement, sans s’informer de ses relations d’amitié avec l’adversaire qu’il lui signale. Mersenne l’avait, en apparence au moins, favorablement accueilli, il espérait sans doute grossir de ses remarques les objections que Descartes l’avait prié de réunir; c’est après une année seulement qu’il chargeait Descartes lui-même de lui transmettre l’expression de son admiration sans réserve pour l’auteur des Méditations. Descartes voyait en Voet un adversaire et ne se trompait pas : rien ne lui donnait le droit de le traiter en ennemi déloyal.

« Afin que l’on sache, dit-il, de quelle qualité sont mes adversaires, je veux vous en faire ici en peu de mots le portrait. C’est un homme qui passe dans le monde pour théologien, pour prédicateur, et pour un homme de controverse et de dispute, lequel s’est acquis un grand crédit parmi la populace, de ce que, déclamant tantôt contre la religion romaine, tantôt contre les autres qui sont différentes de la sienne, et tantôt invectivant contre les puissances du siècle, il fait éclater un zèle ardent et libre pour la religion, entremêlant aussi quelquefois dans ses discours des paroles de raillerie qui gagnent l’oreille du menu peuple ; et de ce que, mettant tous les jours en lumière plusieurs petits livrets, mais qui ne méritent pas d’être lus; et que citant divers auteurs, mais qui sont plus souvent contre lui que pour lui, et que peut-être il ne connaît que par les tables ; et enfin que, parlant très hardiment, mais aussi très impertinemment, de toutes les sciences, comme s’il y était fort savant, il passe pour docte devant les ignorans. Mais les personnes qui ont un peu d’esprit, et qui savent combien il s’est toujours montré importun à faire querelle à tout le monde, et combien de fois dans la dispute il a apporté des injures au lieu de raisons, et s’est honteusement retiré après avoir été vaincu, s’ils sont d’une religion différente de la sienne, ils se moquent ouvertement de lui et le méprisent, et quelques-uns même l’ont déjà publiquement si maltraité, qu’il semble qu’il ne reste plus rien désormais à écrire