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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/647

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l’index et le pouce, une blanche fleur de lotus. Une auréole d’or le proclame affranchi des migrations futures, à jamais absorbé dans Brahma. A ses pieds, son disciple, en robe blanche de néophyte, les mains respectueusement jointes, l’écoute, agenouillé.

Quelles sont-elles, les solennelles paroles que le bienheureux prononce sous la voûte verte des palmes ? Les Upanishads nous le disent, et ce soir, en les feuilletant, je crois comprendre mes deux images, suivre la méditation de mon premier brahme, entendre le dialogue religieux du maître et de l’élève.


Le solitaire rêve, les yeux demi-fermés, son vaste front baissé vers la terre :

« Hari ! Aum ! » Cette lumière qui brille au-dessus de ce ciel, plus haut que tout, dans le monde le plus élevé, au-delà duquel il n’y a plus d’autre monde ;

Cette lumière est aussi la lumière qui est au dedans de l’homme.

Toutes les choses sont Brahma. Je médite sur ce monde visible comme commençant, comme finissant, comme respirant dans Brahma.

Cet Intelligent dont le corps est esprit, dont la forme est lumière, dont les pensées sont vraies, dont la nature est semblable à l’éther, omniprésent et invisible, dont procèdent tous les travaux, tous les désirs, tous les parfums suaves, celui qui enveloppe toutes les choses, qui ne parle jamais, qui n’est jamais compris :

Il est aussi mon moi au dedans du cœur, plus petit qu’un grain de riz, plus petit qu’une graine de moutarde, plus petit que le noyau d’une graine de moutarde.

Il est aussi mon moi au dedans du cœur, plus grand que la terre, plus grand que le ciel, plus grand que tous les univers.

Comme un seul feu après être entré dans le monde, tout en demeurant un, devient divers, selon ce qu’il brûle, ainsi l’Être unique au fond de toutes choses devient divers selon ce qu’il pénètre et il existe aussi au dehors, dans les apparences.

Il n’y a qu’un Seigneur, l’Être au fond de toutes les choses qui fait le un plusieurs. Les sages qui l’aperçoivent au fond de leur moi, le bonheur éternel est à eux, non pas à d’autres.

… Il est un penseur éternel qui pense des pensées qui ne sont pas éternelles, qui bien que un satisfait les désirs de tous. Les sages qui l’aperçoivent au fond de leur moi, la paix éternelle est à eux, non pas à d’autres.

En lui le soleil ne brille pas, ni la lune, ni les étoiles, ni ces éclairs, encore moins ce feu. Quand il brille, tout brille après lui, par sa lumière toutes les choses s’illuminent.