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vraisemblable, » les juges purent songer à interdire dans une ville où l’Université tenait une si grande place le débit du livre qui prétend déchirer à chaque page le caractère et les talons du recteur.

La seconde partie de la lettre de Descartes à Voet est intitulée : Des actions de Voet qui m’ont appris à connaître quelles étaient ses vertus. On y lit : « Une triste alternative se présentait à moi : ou vous étiez effectivement un saint homme, ou vous étiez (pardonnez-moi si je ne trouve pas d’expression moins dure pour dire la vérité) un grand hypocrite; car avec tous les talens que l’on s’accordait à vous reconnaître, il me semblait que rien ne pouvait être médiocre en vous, ni les vertus, ni les vices. Depuis, j’ai vu clairement ce que je devais penser à votre égard, et c’est votre conduite envers M. Régius qui a fait cesser mon incertitude. »

Nous avons raconté la dissidence entre Voet et Régius. Descartes décide en faveur de Régius: « j’ai appris, dit-il, comment, à peine nommé recteur de l’université, vous lui aviez tout à coup témoigné plus d’amitié que jamais ; comment vous aviez fait en sorte qu’il pût, à peu près à volonté, soutenir des thèses publiques, ce qui n’avait jamais lieu précédemment sans une permission spéciale du Magistrat. » Car, suivant l’usage, deux de ses collègues, professeurs de physique et de médecine, voyaient avec peine qu’il enseignât une doctrine toute différente de la leur, et craignaient que ces discussions publiques ne vinssent accréditer de plus en plus la nouvelle philosophie. « Vous aviez examiné les thèses où M. Régius exposait tout son système de physiologie et vous n’aviez exprimé aucune désapprobation. »

Descartes manque de mémoire. Voet avait proposé quelques objections qui, soumises par Régius à Descartes, furent déclarées par lui raisonnables.

« Peu de temps après, continue Descartes, il en composa quelques autres. Comme elles ne contenaient rien d’important qu’il n’eût avancé déjà dans celles que vous aviez vues, il ne jugea pas qu’elles dussent vous être présentées avant leur publication. Mais, saisissant avec une sorte d’empressement un mot, un simple mot, qui s’y trouvait, dans un sens un peu différent de celui des écoles, vous prîtes de là l’occasion de l’attaquer directement. »

Descartes oublie que ce simple mot, c’était l’être par accident, avait été dans l’Université l’occasion d’un effroyable tumulte.

Voet, pour répondre à Régius, avait composé rapidement des thèses sur les mêmes sujets, pour les proposer, suivant la coutume, à une discussion publique. Descartes apprécie sévèrement cet usage, très régulier pourtant, des droits universitaires: il fallait laisser Régius se corriger lui-même.