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compter avec lui. L’ancien ministre du roi de Hanovre, le député de Meppen, a conduit cette difficile campagne en maître, en tacticien supérieur et il a réussi ! Ce qu’il y a de plus curieux, en effet, ce qui achève de donner à l’acte accompli aujourd’hui le caractère d’une victoire personnelle de M. Windthorst, c’est qu’il y avait eu déjà l’an passé un premier essai de transaction auquel avaient même adhéré quelques-uns des chefs de l’Église, le prince-évêque de Breslau. Le gouvernement avait proposé une loi par laquelle l’État, en restant maître du capital des traitemens saisis, se bornait à payer les intérêts aux diocèses et en fixait l’emploi. M. Windthorst seul, avec son bataillon du centre, déclinait ce pseudo-accommodement qui avait séduit les évêques, et non sans une certaine hardiesse mêlée de bonne humeur, il faisait rejeter la loi : il avait raison contre les évêques, puisque le gouvernement finit aujourd’hui par se résigner à tout restituer, capital et intérêts. Il ne s’agit de rien moins que d’une somme de 16 à 20 millions rendue aux chefs de l’Église qui restent libres d’en disposer. La victoire de M. Windthorst est complète, — et c’est ainsi que finit cette guerre du Kulturkampf que M. de Bismarck inaugurait si bruyamment, il y a quinze ans, et dont le nouveau chancelier, M. de Caprivi, vient de dire le dernier mot.

La question est de savoir si le gouvernement prussien n’a pas mis, lui aussi, quelque arrière-pensée, quelque calcul de tactique dans ses concessions, s’il n’a pas compté obtenir ainsi l’appui du centre dans une affaire à laquelle il tient singulièrement, dans ses négociations commerciales avec l’Autriche. C’est là, en effet, un des principaux objets de sa politique, un des moyens par lesquels il se flatte de resserrer le lien entre les deux empires. Malheureusement, le cabinet de l’empereur Guillaume, eût-il l’appui du centre, n’est point sans rencontrer des résistances à Berlin même comme à Vienne. Il n’est pas jusqu’à l’ancien chancelier qui, du fond de sa solitude, ne s’escrime contre l’œuvre de ses successeurs. De sorte que ce complément de la triple alliance n’est pas encore près de devenir une réalité.

Quant à l’Autriche, en dehors de l’union commerciale qui lui est proposée par l’Allemagne, elle a aujourd’hui un souci plus pressant dans ses affaires intérieures. Au moment où l’on s’y attendait le moins, le chef du cabinet, le comte Taaffe, a obtenu, de l’empereur François-Joseph, un décret de dissolution de la chambre des députés de Vienne. La surprise a été d’autant plus vive, que cette chambre n’avait plus légalement que quelques mois à vivre. Est-ce donc que des incidens particuliers et imprévus aient pu précipiter la dissolution d’un parlement près d’expirer ? Aucune circonstance nouvelle et saisissable n’avait paru devoir provoquer une si brusque résolution. Évidemment le président du conseil ne s’est décidé que par des raisons de politique générale, parce qu’il a eu le sentiment d’une situation poussée à