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des communications officielles, hautaines et blessantes pour la dignité du roi Victor-Emmanuel, la défense des princes déchus dont les populations se donnaient au Piémont. Ils sauraient qu’en 1865, pour obtenir la participation de l’Autriche en Danemark, M. de Bismarck lui avait promis le concours de l’armée prussienne en Vénétie, au cas où la France interviendrait pour appuyer une agression de l’Italie, renouvelant ainsi, en la prenant pour son compte, la clause de Campo-Formio que M. Crispi a si légèrement invoquée. Mais ce qui mérite plus particulièrement leurs méditations, c’est l’histoire du traité prusso-italien, traité d’alliance offensive et défensive conclu à Berlin en 1866[1]. Cet acte était signé depuis quelques jours seulement que M. de Bismarck, croyant tout à coup devoir se défier du cabinet de Florence, déclarait à ses négociateurs que, dans l’opinion du roi Guillaume, il n’engageait que le roi Victor-Emmanuel. Si l’Autriche, leur dit-il, se borne à attaquer l’Italie, la Prusse ne vous doit aucune assistance ; si elle dirige son agression contre nos frontières, l’Italie nous doit le concours immédiat de toutes ses forces armées. L’interprétation n’était pas seulement léonine, elle était une offense à la bonne loi du gouvernement italien, commise en présence d’un texte qui ne comportait aucune ambiguïté. Cependant la guerre survint et, après Sadowa, on ouvrit des pourparlers pour la négociation d’un armistice. Le traité d’alliance stipulait qu’il ne serait conclu ni armistice ni paix que du consentement des deux parties. M. de Bismarck reçut, à Nikolsbourg, les plénipotentiaires autrichiens, négocia et signa, avec eux, un armistice et des préliminaires de paix qui n’omettaient rien de ce que devait contenir plus tard le traité définitif de Prague, sans la participation et en dépit des protestations du comte de Barrai, le représentant de l’Italie, présent au quartier-général prussien. Dérision amère, l’article 1 des préliminaires était ainsi conçu : « Le roi de Prusse prend l’engagement de décider le roi d’Italie, son allié, à donner son approbation aux préliminaires de la paix et à l’armistice dès que, par une déclaration de l’empereur des Français, le royaume vénitien aura été mis à la disposition du roi d’Italie. » La publication à laquelle nous empruntons ces faits, qui sont d’ailleurs d’une notoriété navrante pour la dignité du gouvernement italien, ajoute : « Du roi Guillaume, nous ne dirons qu’un mot : le concours loyal de l’Italie[2] lui avait permis de devenir le plus puissant

  1. Elle est d’ailleurs racontée, avec toutes les pièces officielles à l’appui, dans la publication du général Lamarmora : Un po più di luce.
  2. Avant l’ouverture des hostilités, l’Autriche avait offert à l’Italie, par l’intermédiaire de la France, de lui abandonner la Vénétie, si elle consentait à dénoncer le traité d’alliance. Malgré les plus vives instances du cabinet de Paris, celui de Florence déclina la proposition, considérant que la loyauté lui faisait un devoir de remplir ses engagemens. M. de Bismarck et son souverain ne l’ignoraient pas. S’en sont-ils souvenus à Nikolsbourg ?