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lesquelles l’opinion italienne s’élève aujourd’hui. Vainement il a essayé jusqu’au bout, jusqu’à la dernière heure, de pallier les embarras de sa politique par ses diversions ordinaires, par les faux bruits sur les mouvemens de la France aux frontières tripolitaines ; on ne s’est plus laissé prendre à cette tactique assez puérile. Il est tombé parce qu’avec son système il ne pouvait pas aller plus loin sans péril pour l’Italie.

Restait à remplacer M. Crispi dans une situation qui, nous en convenons, n’a rien de facile. Naturellement, c’était avec les élémens réunis contre l’ancien président du conseil que devait se former un nouveau ministère. L’homme qui a été, dès le premier instant, appelé par le roi et qui reste, en définitive, le chef du nouveau cabinet, est le marquis di Rudini, Sicilien comme M. Crispi, engagé depuis longtemps dans la politique, familier avec le parlement et appartenant à la droite, à ce qu’on appelle aujourd’hui la droite, transformée et rajeunie. M. di Rudini ne pouvait pas songer, et il ne paraît pas avoir songé un instant à faire un ministère de parti, d’une couleur tranchée. Il s’est entendu avec un des anciens chefs de la gauche, M. Nicotera, qui entre au ministère de l’intérieur, — avec M. Luzzatti, un des plus éminens économistes de l’Italie, qui prend la direction du trésor, — avec M. Ferraris, sénateur, ancien syndic de Turin, — avec M. Colombo, M. Villari, — avec M. Chimirri, qui a défendu les intérêts religieux dans la discussion sur les œuvres pies. Quelle sera la politique de ce ministère ? Ce serait évidemment une naïveté de croire qu’il va se détacher de la triple alliance, et les journaux italiens, défenseurs du nouveau cabinet, prennent une peine bien inutile en s’étudiant d’avance à dissiper les illusions qu’on pourrait se faire en France sur ce point. L’essentiel est que le nouveau ministère italien semble disposé à pratiquer cette alliance dans un esprit plus pacifique et à mettre plus de bonne volonté dans ses relations avec la France, — qu’il paraît avant tout décidé à s’occuper des finances, des économies nécessaires, des réductions de dépenses, et même à adoucir ses rapports avec le Vatican. C’est déjà un beau programme. Le ministère de M. di Rudini réussira-t-il à le réaliser ? Ce n’est certainement pas la France qui lui créera des difficultés. La France, qu’on met en garde contre les illusions, ne peut que suivre avec intérêt les tentatives qui seront faites pour redresser la politique et relever la fortune de l’Italie par la paix profitable à tous les peuples.

Ainsi vont les choses ! Au moment où une crise ministérielle éclatait au-delà des Alpes, une crise électorale se dénouait dans l’autre péninsule du Midi, au-delà des Pyrénées. Au jour fixé, le scrutin s’est ouvert pour le renouvellement des cortès : les élections espagnoles sont maintenant un fait accompli, connu et déjà commenté.

On ne peut pas dire que cette première expérience du suffrage universel récemment rétabli en Espagne ait remué bien profondément les