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ni amour. À ce compte, il faudrait dire que, lorsque le charbon brûle dans l’oxygène, il y a de l’amour entre le charbon et l’oxygène; et que, comme le potassium a plus d’affinités pour le chlore que pour l’azote, l’amour du potassium pour le chlore est très grand, beaucoup plus grand que son amour pour l’azote.

Vraiment, il n’est permis de se servir du mot amour que s’il y a intelligence et conscience, et on a le droit de dire que l’amour, comme la douleur, est une fonction intellectuelle, en rapport avec le développement de l’intelligence.

Mais cette intelligence, quand apparaît-elle ? A quels degrés de l’animalité en apparaissent les premières lueurs? C’est un problème insoluble que celui de la conscience des animaux autres que l’homme. Quelle sera notre limite pour dire : cet être est intelligent, cet autre ne l’est pas? On ne peut nier l’intelligence du chien, du singe et de l’éléphant. Celle des oiseaux et des reptiles, quelque modérée qu’on la suppose, n’est guère niable; mais déjà, quand on arrive aux poissons, on se prend à douter de leur capacité intellectuelle. Quelle conscience ont-ils? Et s’ils en ont une, probablement, combien obscure et bornée!

Et après les poissons, que donnera-t-on d’intelligence à une mouche, à une huître, à un coralliaire? Il serait bien téméraire de tenter une démarcation quelconque, même très incertaine. Nous n’essaierons donc pas d’en donner une, et nous dirons que chez les êtres inférieurs, comme les plantes et les derniers invertébrés, les sexes ne se cherchent pas : il y a seulement union de la cellule mâle avec la cellule femelle, sans que la conscience de l’individu ait quelque part à tous ces actes.


III.

Nous voici donc arrivés, en remontant l’échelle des êtres, à un degré d’organisation supérieure. Au fond, le principe est le même : c’est toujours la conjugaison de la cellule mâle avec la cellule femelle ; mais la cellule mâle et la cellule femelle ne se trouvent pas chez le même individu : il n’y a de cellules mâles que chez le mâle, il n’y a de cellules femelles que chez la femelle. Il faut donc que les deux individus de chaque sexe se cherchent, se trouvent, se rapprochent, pour qu’il y ait entre les deux cellules mères l’union nécessaire à la perpétuité de l’espèce.

Chez les êtres inintelligens, cet attrait des sexes l’un pour l’autre est inconscient, inintelligent, automatique. Il n’y a ni volonté, ni parti-pris, ni réflexion; mais, chez les êtres intelligens, il faut un