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sacré, qu’on retranchât du serment la célèbre formule de l’extermination des hérétiques.

Lorsqu’en 1785 La Fayette s’était rendu à Nîmes et dans les Cévennes, il avait vu le vieux pasteur du désert, Paul Rabaut. Après avoir longtemps connu la persécution et l’iniquité, lorsqu’il entendit les paroles réconfortantes de La Fayette, il avait récité le cantique de Siméon : Nunc dimittis. Son fils aîné Rabaut Saint-Étienne, ministre du saint évangile, était venu à Paris. Mme de La Fayette l’avait reçu chez elle. Profondément religieuse, elle détestait non moins vivement que son mari les persécutions qui éloignaient du christianisme et qui sont si contraires à son esprit.

La Fayette eut l’honneur de présenter Rabaut aux deux amis qu’il vénérait : Malesherbes et le duc de La Rochefoucauld, ce bon citoyen, assassiné à Gisors, après le 10 août; il le conduisit ensuite chez le ministre de l’intérieur, le baron de Breteuil, qui chargea Rulhière de rédiger un mémoire favorable aux idées de tolérance.

Les choses étaient en cet état lorsque, dans la séance du 25 mai, à l’assemblée des notables, La Fayette fit sa motion. Il aurait vraisemblablement échoué s’il n’avait été soutenu par l’évêque de Langres. — « J’appuie, s’écria cet éminent prélat, la demande de M. de La Fayette, par d’autres motifs que les siens ; il a parlé en philosophe, je parlerai en évêque et je dirai que j’aime mieux des temples que des prêches et des ministres que des prédicans. » — Ces paroles profondes et politiques enlevèrent le vote. — « Le clergé, ajouta La Fayette, pénétré des grands principes que les pères de l’Église se sont honorés de professer, applaudira sans doute à cet acte de justice. »

L’arrêté pris par les notables, le 24 mai, donnait satisfaction à ses deux motions. Il était ainsi formulé : « 1° une partie de nos concitoyens, qui n’a pas le bonheur de professer la religion catholique, se trouve être frappée de mort civile... Le bureau s’empresse de présenter à sa majesté sa sollicitation pour que cette portion nombreuse de ses sujets cesse de gémir sous un régime de proscription également contraire à l’intérêt général de la population, à l’industrie nationale et à tous les principes de la morale et de la politique ; 2° le bureau prend encore la liberté de supplier le roi d’ordonner que les lois civiles et criminelles des années 1667 et 1670, celles des Eaux et forêts de 1669 et celle du commerce de 1673, lois portant sur les objets les plus intéressans pour la prospérité publique, pour la sûreté des biens, de l’honneur et de la vie des citoyens, soient examinées afin de donner à la législation française toute sa perfection par les changemens que la seule ancienneté