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comme ici, des surhaussemens factices. Les mille morceaux de tourbe coûtent, en Hollande, 6 francs en gros et 22 francs au détail. En comparant, dans chaque ville, le nombre des boulangers à celui des habitans, on rencontre des anomalies choquantes. Versailles compte 7 boulangers par 10,000 âmes, Le Havre et Toulon en comptent 15, Saint-Brieuc et Mende en comptent 30, Le Puy 37, Digne 40. On ferait des calculs semblables pour toutes les professions.

Évidemment, l’organisation est mauvaise, mais elle est en voie de progrès. Les grands magasins ont déjà révolutionné, au profit de l’acheteur ouvrier, le commerce de tout ce qui touche à l’habillement et aux étoiles ; certains bazars ont fait de même pour la quincaillerie. L’épicerie de province, après avoir résisté aussi longtemps qu’elle a pu, a dû baisser ses prétentions devant l’essaimage des grosses maisons parisiennes. Avec le temps, une partie de tous ces petits patrons disparaîtra ; le commerce se réduira de plus en plus à un simple courtage, que la concurrence maintiendra très bas. Les sociétés coopératives, s’il le faut, feront le reste.

De même que le remède ouvrier doit être cherché, non dans l’augmentation des recettes, mais dans la diminution des dépenses ; de même, le remède agricole doit être cherché, non dans la hausse du prix des denrées, mais dans la baisse du prix de revient, dans l’accroissement du nombre des produits du sol, par une culture plus intensive, plus scientifique. Je n’ignore pas que la majorité des propriétaires considèrent ceux qui leur tiennent un pareil langage comme des malveillans et des farceurs. Qu’ils regardent en arrière, pourtant ; qu’ils mesurent le terrain parcouru depuis deux siècles, depuis cent ans seulement, par l’agriculture française, — la terre a doublé de prix sans que le blé ait haussé ; — ils verront que les progrès d’hier (inventions de machines nouvelles, perfectionnement des espèces animales, découverte des engrais chimiques, encore en enfance, etc.) leur promettent pour demain des progrès non moins extraordinaires, sans doute, et qu’ils n’ont guère besoin d’affamer tout le monde pour ne pas mourir eux-mêmes de faim !


Vte G. D’AVENEL.