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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/622

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Beaux-Arts ; de diriger et de juger les concours aux grands prix de Rome ; d’exercer tout patronage sur les pensionnaires de la villa Médicis et d’examiner leurs envois ; en un mot, d’intervenir par ses encouragemens, quels qu’ils fussent, dans les études ou dans les travaux que, depuis la fondation de l’Institut de France, elle avait eu la mission de conduire ou de récompenser. Mémoires adressés au ministre de la maison de l’empereur et des beaux-arts, au lendemain même de la promulgation du décret, pour en faire ressortir les dangers ou les inconséquences et, plus tard, pour réfuter les argumens produits par le ministre, à l’appui de la décision prise ; — autre mémoire envoyé directement à l’empereur pour le « supplier de soumettre le décret du 13 novembre à un nouvel examen et d’en suspendre l’application jusqu’à ce que les dispositions édictées aient été mises d’accord avec les lois antérieures et les droits séculaires de l’Académie ; » — protestations publiées isolément, soit sous la forme de brochures comme celle qu’Ingres intitulait : Réponse au rapport sur l’École impériale des beaux-arts[1], soit, dans des proportions plus restreintes, comme la Lettre de M. Léon Cogniet au ministre, — l’Académie essaya de tout, elle épuisa avec une persévérante énergie tous les moyens dont elle pouvait user pour la défense de sa cause. Si elle ne réussit pas alors à vaincre en fait ses adversaires, la légitime fierté de son attitude et de son langage lui attira, du moins, l’attention, bientôt les sympathies déclarées, de bon nombre de gens assez indifférens d’ordinaire aux affaires de l’art et aux questions qu’elles soulèvent. De leur côté, les élèves de l’École ne se lassaient pas de réclamer dans des pétitions collectives[2] le maintien du régime

  1. Après la critique, article par article, de toutes les innovations contenues dans le décret, cette Réponse se terminait ainsi : « En résumé, je déclare, en mon âme et conscience, que je blâme les changemens projetés, parce qu’ils détruisent la bonne organisation de l’École ; parce qu’ils portent atteinte à des droits acquis, à un enseignement fondé sur les grandes traditions classiques, pour ne mettre à leur place qu’un enseignement de fantaisie et d’aventure, des juges incompétens et une direction fausse dans les études. »
  2. Ces pétitions, successivement adressées à l’empereur et aux membres du conseil supérieur de l’École, étaient signées des noms de près de cinq cents élèves, tandis que six d’entre eux seulement avaient joint leurs signatures à celles d’une centaine d’artistes du dehors qui, plus ou moins spontanément, avaient rédigé et fait insérer au Moniteur une adresse de félicitations et de remercîmens à l’empereur, — la seule de ce genre, au surplus, que lui ait value le décret. Aussi Napoléon III ne tarda-t-il guère à regretter la mesure qu’on lui avait fait prendre, sans aucun pressentiment de sa part des difficultés qui en résulteraient et des ennuis personnels qu’elle devait lui causer. J’ai entendu dire, d’ailleurs, à une personne liée avec lui depuis l’enfance et en présence de laquelle il se plaignait de ces ennuis, que, suivant une superstition qui lui était habituelle, il attribuait les mauvaises conséquences de l’acte du 13 novembre à l’influence fatidique du jour où il l’avait signé.